mercredi 20 juin 2012

Episode XIX : Là où mes parents découvrent que je fume (le jour de mes 31 ans….)


Quand on devient adulte, certaines choses qui nous paraissaient impensables étant plus jeunes deviennent de l’ordre du faisable, voire du naturel. Ainsi, là où compter parmi l’assemblée de joyeux drilles conviés à notre anniversaire nos parents eut été la grosse te-hon il y a « quelques » années, à l’aube de notre maturité, ce principe, bien souvent, ne nous déplaît plus. Que du contraire. Les considérant désormais comme « nos égaux » (des vieux), nous ne voyons plus où se situe le problème à les inviter aux diverses festivités qui jalonnent notre vie et celle de nos enfants. Nous pensons qu’à l’âge qu’ils ont, ils ont depuis longtemps remisé au placard leurs grands principes éducationnels (« de toute manière, c’est trop tard, on ne tirera plus rien de cet âne bâté…. »), et que les années qui nous séparent et qui avant justifiaient leur autorité, deviennent de moins en moins prégnantes. Nous pensons qu’avec le temps, nos parents sont devenus moins psychorigides, se reconnaissant désormais dans leur grand garçon ou leur grande fille, avec la petite étincelle que pourrait voir naître sur sa pupille trop souvent mise à mal un ancien hippie qui retomberait sur un vinyle de Jimmy Hendrickx (« Tu te souviens chou ? On faisait pareil en vacances à Lacanau avec Jean-Luc et Bernadette !! On a ri !! » « Oui, et on l’a encore fait la semaine passée, Chantal…. »).

Tout ça pour en venir à la fête de mes 31 ans où, vous l’aurez deviné, j’avais invité mes vieux. Graaaaaave erreur !! Oh détrompez-vous, j’étais ravie de voir passer le seuil de mon temple de la débauche Paul et Gisèle et leur look vieille Angleterre, vraiment. Mais j’étais loin d’imaginer la tournure qu’allait prendre la soirée. Car voilà, j’ai deux gros problèmes. Le premier, c’est que je fume comme un pompier, ce qui entraîne son lot de désagréments au quotidien. Le deuxième, c’est que mes parents ne le savent pas. OOOOuuui, je sais ce que vous allez me dire, je vous entends d’ici glousser sous cape. Comment je peux encore cacher ça, à mon âge, à mes parents, alors que je suis majeure et vaccinée depuis belle lurette, et bientôt en âge d’interdire à mes propres enfants de s’adonner aux joies de la nicotine et des 4000 autres composants de la cigarette. Mais il n’y a rien à faire. C’est comme ça. Chaque fois que j’en grille une, je sens se poser sur moi, tel l’Oeil de la Providence, le regard accusateur de ma mère, de derrière ses lunettes Gucci. Car il est de ces choses concernant leurs enfants à propos desquelles les parents préfèrent se voiler la face. Et ce malgré des preuves irréfutables de la culpabilité de leur progéniture. De même que le fait que vous ayez des enfants ne signifient en rien pour eux que vous ayez déjà eu quelque relation sexuelle au cours de votre vie, tomber sur un cendrier empli de mégots ou entrapercevoir le bout d’un index jauni par la nicotine ne leur mettent pas la puce à l’oreille concernant une potentielle consommation de tabac de la part de leur enfant prodige.

Retour à ma petite fiesta où l’ambiance bat son plein, entre Madeleine de Proust qui tente à grand renfort de (tentatives de) roulage de pelles de faire virer sa cuti à mon meilleur ami homo, Greg concoctant savamment des Irish Coffee’s dans les biberons sans bisphénol à 16 Euros de la petite Oompa Loompa, et le vieux Coubiac dont la persévérance à se rouler un pétard avec un ticket du Déli Traiteur n’a d’égale que son ébriété avancée et visiblement irréversible. Au milieu de tout ça, il y a moi. Embichée, voire…femme, digne (pour le moment) et gérant parfaitement l’assemblée des invités, en tentant d’accorder comme il se doit le temps de parole imparti à chaque personne m'ayant fait l’honneur de dégager quelques précieuses heures de son agenda de ministre (comprenez : parent) pour venir me souhaiter bon courage pour franchir ce cap, entre la mise au lit des mouflets et la mise à la porte de la babysit trois heures plus tard. Mais voilà, excepté Madeleine, Greg et Coubiac, les irréductibles célibat's, mes invités semblant être dans l'incapacité d'user d’un vocabulaire qui sortirait d'ailleurs que de "J’élève mon enfant"  ou du catalogue de Baby 2000, l’appel de la tige se fait de plus en plus pressant. Je déscotche donc Madeleine de Julian, et la happe vers ma terrasse, zone neutre où les fumeurs peuvent s’adonner à leur vice sans se voir lancer des regards désapprobateurs de la part du Comité des Jeunes Parents réuni en kern dans la cuisine en patientant devant le chauffe-biberons (Faites que Greg ait bien nettoyé ses shakers!!….). Mais voilà, c’était sans compter la passion de ma mère pour le jardinage, qu’elle aime à pratiquer quelle que soit l’heure. Alors que mon doigt glisse sur la roulette du briquet et que mes alvéoles s’ouvrent telles des becs d’oisillons espérant gober un ver, une voix surgit du néant. « Dis, Perrine, ces bégonias, là, tu les arroses souvent ? Je….. » Suivi d’un silence. Suivi d’un cri. « Mais, Perrine, qu’est-ce que ?? Tu…. Ah non, ne me dis pas que tu fumes ??!! » Heureusement, la pénombre est suffisamment opaque pour ne pas révéler l’empourprement de mes joues. « Bais don, pas du tout !! », m’entends-je lui répondre en recrachant la fumée par les naseaux, alors que je venais de dire un quart d’heure plus tôt à Madeleine que j’assumais totalement cette habitude, que c’était juste que je n’avais pas vraiment eu l’occasion de le dire à mes parents en 31 ans, mais que je n’aurais aucune honte à leur avouer ce « travers » du haut de ce paquet de piges. « Mais non, enfin, maman, je.... euh tente juste de dissuader Madeleine de le faire, en lui montrant comme c’est horrible de se faire souffler de la fumée dans la face….. ».... regard incrédule de ma mère, et petits bruits de pétales de bégonias qu'on effrite. « Gisèle ?? Gisèle !! Tu peux venir un instant ? », tel Mark-Paul Gosselaar, me voilà sauvée par le gong !! Mon père vient de se faire vomir dessus l’entièreté de la lasagne ingurgitée et régurgitée par Coubiac sur son costume Cliff, soit une coquette somme à débourser en nettoyage à sec. Ben ouais, y a toujours plus débauché que soi, mais ça, les parents, ils ne l’entendront jamais…..

mardi 12 juin 2012

Episode XVIII : I had a dream (Where I woke up in the nineties….)….


7H30. Mon radio-réveil sonne. « What’s in your head ? In your head-hea-hea-head… »…. Dolores O’Riordan se fait couper la chique par une pub pour le Palladium à Baisy-Thy. Je me rendors….. « Woo-hoo, but you know I'm yours. Woo-hoo, and I know you're mine. Woo-hoo, and that's for all of time…. ». Cette fois, c’est  à Weezer, le nouveau groupe du moment, qu’incombe la délicate tâche de tirer hors de la couette l’invertébrée belliqueuse que je suis. Bruits d’une porte qu’on essaie d’ouvrir, pour ne pas dire défoncer. "MMMmmmmmm….."  En tant qu’affreuse ado asociale trop mal dans sa peau acnéique pour être en mesure de communiquer avec les membres de sa famille, j’avais pris soin de fermer la porte à clef avant d’aller me coucher. Autre objectif de la manœuvre : empêcher mes parents de me surprendre en train d’écouter Lovin’Fun, telle une résistante qui se planquerait pour suivre depuis sa cave « Les Français parlent aux Français ». Je m’étais donc endormie au son de cette émission bon enfant, bercée par le récit des divers problèmes d’herpès génital, de points noirs disgrâcieux, d’éjaculation précoce embarrassante, de corps spongieux défectueux, de prépuce récalcitrant et autres considérations sur la fellation évoquées par la patientèle de Doc et Difool. « Perrrriiiinnneeee !! Lève-toi, il est 7H40, on est à la boooouruuure !! », aboie ma sœur en martelant sur la porte, faisant exécuter malgré eux une danse du ventre aux bedons concaves des mannequins de mon poster CKOne.  Prise de conscience soudaine de ma part, alors que l’image qui se forme sur ma rétine représente un schéma des différents types d’érosion du sol que l’on rencontre en milieu montagneux. Page 52 de mon manuel de géographie, sur lequel j’ai bavé toute la nuit. Horreur : j’ai bilan de géo ce matin !! J’ai bien tenté d’étudier, mais j’avoue que les problèmes anatomiques d’un certain Sullivan (suite à une expérience vécue avec la petite sœur de son meilleur pote, qui lui avait demandé de réaliser des prouesses physiques que même l’Homme de Vitruve, il devrait se démembrer pour les réaliser….) avaient eu raison de ma concentration et fait détourner mon attention de ceux nettement moins intéressants que rencontraient les habitants des Hautes-Pyrénées en période de décrue.  Je me lève d’un bond, saute sous la douche, m’enduis le visage de différentes lotions ayant toutes pour vertu d’assainir une peau en proie à des invasions de sébum (Eau Précieuse, Clearasil, et j’en passe), j’enfile mon jean Levi’s 501 dont j’ai du mal à fermer le dernier bouton (au-dessus de la taille 28-32, toute fille qui osait porter le jean légendaire se faisait bannir du collège, sous la huée et les quolibets de ses copines semi-anorexiques), mes Dr Martens, la chemise à carreaux de mon père, que j’avais faite mienne et qui m’arrivait aux genoux, et le pull Benetton élargi volontairement afin qu’il ressemble à un grand sac en toile de jute, seyant, très seyant. Je passe la demi-heure suivante à relire le chapitre sur la stratosphère, prise en sandwich entre mon voisin qui pratiquait la coupe rasta et avait pour cause décidé il y a trois semaines de cela de ne plus se laver les cheveux, et ma sœur qui écoutait une cassette de Suede dans son walkman (que lui avait enregistrée son boyfriend), pour ne pas avoir à subir l’intégrale de Sylvie Vartan, diffusée plein tube et en boucle par notre pilote du jour, à savoir notre voisine cougar, dont on n’a jamais su si la coupe out of bed était souhaitée ou non, et qui s’envoyait des Boules d’Or de grand matin, toutes fenêtres fermées. Débarquement de toute la troupe devant la grille du collège et arrivée au pas de course dans la classe alors que les copies de géo attendent déjà sur les bancs. Je ne m’en sors finalement pas trop mal, grâce aux copions rédigés avec soin entre deux dédicaces de mes super meilleures amies sur la toile de mon plumier Waïkiki. La journée se passe, entre grillage de cigarettes au nez et à la barbe des éducs, engloutissement de LilaPause, de Yes et de Boules de feu, récit du dernier épisode de Melrose Place pour ceux qui n’ont pas la télédis’ (celui où Kimberley pète un câble et tente d’assassiner Michael Mancini), trafic de VHS pour rattraper ça le soir, cotation et classement des "plus beaux culs du collège", et compte-rendu de la dernière soirée au Placet à Louvain-La-Neuve, où Jérôme a roulé une pelle à Caroline sur We love you de Bon Jovi avant de vomir sur elle l’entièreté d’une bouteille de Liebfraumilch et son Joker du Goldway à peine digéré. Le soir, je déserte l’assemblée familiale réunie devant Double 7 pour ne pas manquer une miette de Lovin’Fun, tout en retranscrivant avant de les oublier mes dernières mésaventures amoureuses dans mon journal intime, customisé par des autocollants Kookaï et d'autres à l'effigie de Dave Gahan. C’est finalement au son des voix parigo-hystériques de Julie et Génie que je m’assoupirai. Le réveil sonne. Non, ce n’est pas le réveil. C’est une longue plainte entrecoupée de sanglots. Qu’est-ce que c’est ? On dirait le pleur d’un jeune enfant. Ah merde, un jeune enfant !! J’en ai un, je crois !! Non, j’en ai deux !! Je me lève d’un bond, alors que le radio-réveil se déclenche. « …Et restez avec nous, juste après la pub, le close up de Sébastien Ministru, et puis des places à gagner pour le concert des Vismets à l’AB….. ». Je manque d'entrer en collision avec une vieille dame, mais bien vite je me rends compte qu’il s’agit....de mon reflet dans le miroir. Ca y est, ça me revient, j’ai 31 ans, deux enfants, une maison et un mari. Welcome back in the 2010’s, tout ceci n’était qu’un doux songe…. »