samedi 28 janvier 2012

Youpie

La barre des 1000 visites est dépassée, heureusement que je n'ai pas du offrir des cookies à chaque fois!! Merci beaucoup pour vos coups d'oeil, et SURTOUT n'hésitez pas à partager vos propres anecdotes!!

vendredi 27 janvier 2012

Episode IX : La baby-sitter, part 3 (Suite et fin)


(….) Le deuxième candidat s’appelle Donyphan. Son annonce le vendait en ces termes : « Bonjour, je m’appelle Donyphan. Vous avez besoin d’une personne de confiance pour garder vos bambins ? Faites appel à moi : j’ai une grande expérience des plaines de vacance et je donne également des cours de chimie et de guitare à des enfants. Je suis idéaliste mais mature. » Génial !! pensais-je alors : un artiste doux, sensible, pédagogue et intelligent. Mais en débarquant sur son profil Facebook, je compris vite que le garçon maniait l’euphémisme avec grand art et que par ces mots, il fallait en fait comprendre : « Bonjour, je m’appelle Donyphan. Vous n’avez vraiment vraiment personne pour garder vos enfants ? Faites appel à moi : j’ai une grande expérience de la fumette et de la culture indoor de cannabis, je fabrique des bombes artisanales et je suis punk à chien. »

Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Benjamin, le troisième candidat, était de loin le plus folklorique. J’avais pourtant misé beaucoup sur ce garçon, car je l’avais déjà rencontré à plusieurs reprises et il m'avait toujours fait bonne impression. Véritable nerd, il se baladait souvent dans le quartier sur un vieux vélo de cross trois fois trop petit pour lui. Il allait chez les Pionniers et vendait du massepain à la sortie de la messe pour financer un projet au Togo. Aussi, quelle ne fût pas ma surprise lorsque son profil s’afficha devant mes yeux. J’eus d’abord du mal à déceler l’être humain sous la mèche, qui ne laissait entrapercevoir qu’une narine ornée d’un anneau et une demi bouche pincée badigeonnée d’un mignon petit noir à lèvres aux reflets vernis. Je ne pus m’empêcher de pouffer devant cette métamorphose complètement improbable : le gentil geek devenu un sombre émo, sorte de faux fils de Robert Smith qui se serait acheté du shampooing anti-frisottis, après avoir volé les kilts seventies de sa mère faute d’avoir les moyens de se taper Camden, pour ressembler vaguement, in fine, au leader prépubère de Tokio Hotel. Même si tout cela devait cacher un terrible malaise, je ne pouvais m’empêcher de me  bidonner en imaginant le choc des cultures qu’avait du déclencher Benji-au-Togo, et le spectacle délicieux qu'il avait du offrir à ses hôtes, en tentant de construire un dispensaire avec ses mitaines en cuir clouté. Mouaaahhhh. Bon.

La dernière candidate s’appelait Anne-Cécile. Elle aussi a vendu du massepain à la sortie de la messe, car elle aussi a été chez les Pionniers. Elle a également fait les baladins, les lutins, les guides, est ensuite devenue chef guide, puis chef d’unité et enfin chef de région. Bref, elle est super vieille et complètement malsaine. Non mais est-ce qu’on fait encore du baby-sitting à 25 ans ? En même temps, ça a un côté rassurant, me direz-vous. AAhh ça, c’est vrai que les nœuds de foulard, les brelages et les azimuts, ça la connaît. La loi guide, elle sait te la réciter sans reprendre sa respiration, et pour peu qu’elle se dévergonde un peu, elle pourrait te la déclamer en rotant. Sûr aussi que si elle tombe en rade d’électricité pendant la soirée, elle te fabriquera des bougies avec des bandes de cire dépilatoire et des élastiques à cheveu, et qu’elle les allumera en frottant des silex (car elle a toujours des silex sur elle, évidemment). Mais ce n’était pas vraiment le fait qu’elle ait du vendre des tonnes de massepain au cours de sa vie, qu’elle ait une addiction au scoutisme ou encore qu’elle joue de l’orgue à la messe le dimanche qui me chipotait. Non, ce que je trouvais étrange, c’est qu’elle n’avait pas…. de compte Facebook. Et ça, c'était quand même vachement chelou.   

Jeudi 19h, on sonne à la porte. DING DONG (ou plutôt dang dong ding dooonngg, dong ding dang dong, pour être exacte). Je me précipite hors de mon fauteuil pour aller accueillir l’élu, celui qui avait remporté tous les suffrages, et qui avait donc été élu unanimement baby-sitter officiel de la soirée. J’ouvre……. Je lui colle un enfant dans les bras et un bisou sur le front : « Merci amour, je rentrerai pas tard », lui lance-je, avant de m’engouffrer dans la voiture de Madeleine de Proust et de disparaître sur les chemins de la débauche.....

FIN

lundi 23 janvier 2012

Episode IX : La baby-sitter (part 2: Cassandra)


(....) Alors…..la première candidate porte le coquet nom de Cassandra. Agée de 16 ans, elle a deux petits frères et une grande habitude du baby-sitting. Elle écrit sans faute, un trrèèèssss bon point pour elle, vu la névrosée en matière d’orthographe à qui elle va avoir affaire. Allez c’est parti, je la facebookise. Premier constat: elle a du se faire aider pour faire sa promo, vu le niveau grammatical et orthographique de ses statuts, de quoi réduire à néant le brushing de Madame Balfroid si elle venait à atterrir sur sa page Facebook (en même temps celle-là doit probablement toujours écrire sur une vieille Underwood, pas sûre qu’elle connaisse les ordinateurs….). Le dernier en date nous donnait en ces termes une indication sur l’emploi du temps de la fin de semaine de la jeune candidate : « Un weeken bien chargeait comme on les aime =D. Manege, parkin Lidl et soiree ché Nina. » Parking Lidl ? Mais qu’est-ce qu’elle va foutre sur le parking du Lidl ? Qu’est-ce que c’est que cette activité totalement suspecte et pas glams pour un sou ? J’essaie de me convaincre qu’elle doit certainement y tenir un stand Iles de Paix ou nettoyer des voitures pour se faire de l’argent de poche afin d’acheter ses fournitures scolaires (….) , et me dirige vers ses albums photos. En même temps, quand bien même elle serait turbo biche, je ne vois pas en quoi ça pourrait compenser ce festival de statuts plus relevés les uns que les autres.  Au contraire. A moins qu’elle ait le look de Victoria de Suède, je ne pense pas que la partie en 2D  puisse jouer en sa faveur. Un petit clic, et ce sont des dizaines d’albums photos qui s’offrent à moi. Rigoureuse, la jeune Cassandra a classé ses différents recueils, en leur attribuant un numéro : « Cassy 1 » « Cassy 2 » « Cassy 3 » ; « Me and myslef1» « Me and myslef2 », ou un titre éloquent : « Cassandra by Cassandra », « Just Cassy ». Un seul semble faire de la place à d’autres êtres humains, soit l’album intitulé « Avec Nina » (mais apparemment, c’était Nina qui prenait les photos….. ). Alors que j’atterris sur une enième photo de la jeune Cassy photographiant son reflet dans le miroir de la salle de bain (on ne peut en tout cas pas lui reprocher de ne pas manier l’art de la mise en abîme, ni le mode « rafales » de son appareil), et après avoir constaté qu’on avait exactement le même pull (mais qu’elle le portait…. juste un p’tit peu mieux), le franc tombe. Mais ouuuuiiiii, je la reconnais cette brunette !! Elle s’occupait de la tombola à la fancy-fair de l’école. Je me souviens de son regard quand je lui ai demandé si elle pouvait remettre en jeu le CD d’Usher que je venais de gagner. Elle m’avait toisée de la tête aux pieds, l’air de dire « C’est quoi cette vieille ring ? », et de penser que je devais écouter de la musique qui ferait passer le générique de Télétourisme pour le dernier tube dubstep. Cette Lana Del Rey brabançonne m’avait alors répondu, avec un accent de la Hesbaye : « Non Madame, désolè, vous n’avez qu’à l’offrir à vos enfants. » Mwouais, bon, de toute manière, elle avait déjà un weeken bien chargeait, j’allais pas en plus la faire sortir le jeudi soir…..

TO BE CONTINUED…..

jeudi 19 janvier 2012

Episode IX: La baby-sitter (part 1: réticence)


Tout commence par un événement extraordinaire. Et par extraordinaire, j'entends bien: qui sort de la normale. Soit un coup de téléphone à ma môman pour qu’elle me confirme qu’elle garderait « avec pplllaaaiiiisir » nos deux Galapiats jeudi soir, car « bien sûr, tu sais qu’elles sont toujours les bienvenues, tout le bonheur est pour moi !! », et ce afin que nous ne rations pas le concert de David Bartholomé (Ch’adooorrrre).

« - TTTTTUUUUUTTTT. Maman ?
-             Salut chérie, comment tu vas ?
-             Bien, bien, super, et toi ?
-          Oh ben, oui, hein, comme un mercredi. Ton père ne travaillait pas cet après-midi alors on est allé chez ce petit antiquaire qui…
-            Oui, dis, maman, j’peux pas rester longtemps, ch’uis au boulot, j’avoue que c’est un coup de téléphone intéressé, mais voilà, je voulais savoir si ééééventuellement demain vous pourrieezz garder les filles parce qu’on nous a proposé d’aller à un concert, je suis désolée de prévenir si tard mais…..
-         OOh Perrine je suis désolée, mais demain soir, ça ne va pas être possible, on va écouter une conférence donnée par Peter de Caluwe à Bruxelles...
-           OK super, merci ! Je te les amène vers 19h ? T’es pas obligée de leur donner un bain…Euh quoi ? Ah, vous n’êtes pas là ?
-           Non, ah, c’est bête, si j’avais su, mais on a déjà les places et….
-        Non, non, dis, tracasse, allez à votre conférence, faites-vous plaisir, je vais voir avec les parents de Monsieur Hulot. Au pire, on prendra une baby-sitter….. »

Cette dernière phrase, non seulement j’ai rarement eu à la dégainer en quatre ans et demi, mais à chaque fois que je l'ai fait, je n’en pensais pas un mot. Non, non, je n’ai rien contre les baby-sitters maaaiiiissss…. Interception de Monsieur Hulot sur Facebook pour lui demander de convaincre ses parents de garder nos petiotes, « sous la menace si il faut », me semble-t-il bon de préciser. « Non non, pas poss, mes parents sont à Venise cette semaine. » me répond la petite fenêtre en bas de page. Mais c’est pas possible, si la génération des seniors se met à sortir plus que nous, tout fout l'camp!! « Mais je ne veux pas rater ce concert, à chaque fois je le loupe, et cette fois je m’étais dit que j’y assisterais quoi qu’il arrive», pianote-je fébrilement dans cette maudite et ridicule petite fenêtre, donnant lieu à un festival de fautes de frappe que je m’abstiendrai de retranscrire ici.  Rrrhhhaaa, j’aurais du écouter tous ces gens qui me juraient mordicus qu’avoir des enfants isolait plus du monde qu’une gastro couplée à la varicelle, me dis-je au moment où un Chclong  me signale que mon interlocuteur m’a répondu. « On a qu’à prendre une babysit !! » Ca y est, le mot est lâché. Je dois sortir plus vite que prévu ma première carte « excuse ». « Mais on n'en trouvera jamais une la veille, non, mauvais plan !! », je lui réponds tout en me demandant pourquoi on emploie toujours ce terme au féminin-  « Mais si, en semaine, ça ira, si on lui promet de pas rentrer tard….. » - Gggnnggnn…. Je tente une deuxième carte : « Mais Oompa est pas bien, elle sort de sa bronchite… » - « Raison de plus pour qu’elle soit gardée à la maison. Je vois pas pourquoi tu fais un blocage avec les babysit !! » « Mais pas du tout, je fais pas un blocage !!.... »

Mais si, évidemment que si, je fais un blocage. Et je vais vous dire pourquoi. Moi aussi j’ai eu 16 ans, moi aussi j’ai fait du baby-sitting. Mais je n’ai toujours eu que des mioches de même pas dix ans de moins que moi à garder, et si j’avais du gérer au milieu de la nuit le réveil en pleurs d’un enfant d’un an et demi dégoulinant de larmes et de morve et dégageant un fumet plus que suspect, j’aurais abandonné sur le champ têtes blondes, labrador, VHS, et armoire à boules avant de m’enfuir à toutes jambes à travers champs pour rejoindre un endroit où je ne risquerais pas de croiser un jeune prépubère. Cela dit, alors que mes yeux s’assèchent peu à peu en tentant de trouver une réponse dans le fil d’actualité de ma page Facebook, il me vient une idée. Je ne l’ai jamais dit à Monsieur Hulot, mais je conserve secrètement les coordonnées de divers baby-sitters qui ont un jour vanté leurs mérites et leurs compétences pédagogiques qui à la pharmacie locale, qui au Spar du coin, qui aux valves de la crèche. Et oui, je l'avoue, quand je me rends dans des lieux publics, j'ai tendance à arracher compulsivement les  bandelettes des petites annonces, qu'elles me concernent ou non. J'ai fini par me débarrasser de celles qui faisaient savoir la mise en vente de sofas, de mobile-homes, de motos, de collections de Femmes d'Aujourd'hui, ou de services en faïence, j'ai renoncé à placer mon cheval en demi-pension, à faire  peindre ma barrière par la Patrouille des Jaguars, ou à acheter un bébé chat siamois, pour ne ne conserver que les offres de super-nounous en herbe. J’ai donc accumulé dans une boîte métallique une jolie petite collection de bandelettes en papier, bandelettes qui n’ont plus jamais vu la lumière du jour depuis.
 
Bref, puisque la technologie le permet, je n'allais pas me priver de faire passer à tous ces candidats un casting de baby-sitters (tiens, je devrais proposer le concept à Endemol). Non, je ne comptais pas les convier un à un dans mon salon pour leur demander leurs références, comme dans Mary Poppins (décidément, cette référence m’est chère), nnnnooonnn, tout ça allait se faire à leur insu, puisque mon plan consisterait à les espionner via leur page Facebook. Merci Mark, once again. Ben oui, les réseaux sociaux offrent quand même des avantages, comme celui, pour les uns, d’étaler leur vie sur un espace virtuel et, pour les autres, de fouiner dans celle-ci, pour tenter d'y déceler le profil d'un éventuel pervers narcissique sociopathe (ou juste cleptomane accroc au téléphone, ce qui risquerait également de poser problème, dans une moindre mesure). Et comme c’est bien connu, les ados ne ferment jamais leurs profils Facebook et abusent de la mise en ligne de photos - comme si la loi en vigueur voulait que tout cliché pris avait le droit d’être publié, peu importe qu’il soit sous-ex, mal cadré, qu’il soit le résultat d’un « flou de bourré", ou qu'il porte atteinte à la dignité humaine -, j'allais pouvoir mener mon enquête et me faire ma p’tite préselection tranquillou……."

TO BE CONTINUED…….

dimanche 15 janvier 2012

Episode VIII : Un lundi matin ordinaire chez la famille Pan (ou l’épisode où je ne trouve plus mes clefs, mon sang-froid, mon cerveau,…)

Lundi matin, 6h30, duel quotidien entre mon GSM entonnant avec conviction la Marche des Rois (faut qu’je change cette sonnerie !!) et le radio réveil de Monsieur Hulot hésitant perpétuellement entre deux fréquences (faut pas avoir fait l’INSAS pour régler une radio ded’jeu !!) J’ouvre une demi-paupière, la referme instantanément. Je la rouvre, il est 7h2O. Cris d’effroi, ballet de danse contemporaine de deux corps jouant les rouleaux de printemps en tentant de s’extirper de la couette et lancer de celle-ci au plafond, chaque jour un peu plus haut (faudrait penser à faire venir Maître Nadjar pour attester de cette performance). Réveil et grognements de la jeune Padawan, interruption du récital de la petite Oompa Loompa alors qu'elle entame la plage 4 des Comptines d’Autrefois  et première disparition mystérieuse à 10 minutes de la sonnerie de l’école.
A la même heure, dans une galaxie très très lointaine, au Bureau d’Etude des Cas Terriens :
-             « Qu’est-ce que vous m’amenez-là, Guz42b ?
-             Un prélèvement réalisé dans le cadre de l’étude sur l’usure et la dégradation particulièrement rapide des chaussettes des enfants humains âgés de moins de 12 ans
-              Nom de l’objet ?
-             Botte
-             Origine ? 
-             Belgique, Brabant Wallon, Rue des Pins, 47 à Pommerez  
-             Quoi ? Vous plaisantez Guz42b ? Encore la famille Pan ? On a déjà un rayon qui déborde de leurs effets!! C’est bientôt un département qu’il faudra leur consacrer !! Non allez, renvoyez-moi ça au propriétaire sur-le-champ !! »
« Ca va maman, j’ai retrouvé ma botte !! » me lance ma fille, alors que je m’apprête à téléphoner à mon mari (déjà parti vers d’autres horizons embouteillés depuis belle lurette) pour m’assurer que la disparue n’était pas restée dans sa voiture. « Bon, ben on va pouvoir y aller !" estime-je après avoir assisté ma fille lors de sa mise de botte trop serrée, telle une sage-femme envers une parturiente dont le bébé serait particulièrement récalcitrant ("Vas-y, pousse!! Allez, encore un p'tit effort, ton pied est presque au bout!! Pousse!! Mais ppoouueeessseee!!!!").

" Bon allez go, dans la voiture, go go gooOOOO ! Quoi ? Tu n’as pas fini ta tartine aux crottes de souris ? Pas grave, tu peux la terminer dans la voiture, allez zooouuu !! » ventile-je, tout en soulevant un à un tous les coussins du canapé où je venais de m’asseoir, dans l’espoir visiblement vain d’y trouver mon trousseau de clefs que j’avais pourtant dans les mains il y a deux minutes. S’en suit alors une course folle dans toute la baraque à la recherche des précieuses clefs, tellement folle que si à un moment je m’étais retournée et avais vu La Boule et Passe-Partout courir derrière moi en petits pas chassés j’aurais trouvé ça tout à fait normal. Je fouille mon sac, ouvre les placards, soulève les tapis, retourne mes poches, regarde dans le frigo, dans le coffre à jouets, pas de clefs!! Je grimpe la première volée d’escaliers quatre à quatre, fouille le bac à linge sale, inspecte les chiottes, regarde sous mon oreiller, pas de clefs!! Je monte une deuxième volée d’escalier, me rappelle qu’il n’y a pas deuxième étage, redescends tous les escaliers, refouille mon sac, resoulève les coussins, rouvre le frigo et inspecte cette fois le bac à légumes, mais pas la moindre  clef!! Je shoote dans le mur, sautille en jurant et en insultant le chat qui réclame sa bouffe, tout ça sous les yeux ahuris de mes deux filles qui patientent dans le couloir, petit cartable sur le dos, petit duffle coat boutonné, si sages à cet instant précis qu'on les aurait dites sorties tout droit de la page 6 du catalogue Cyrillus automne-hiver (en nettement plus grunges quand même, rapport à leur petit bouc en crottes de souris qui leur donne une allure de conquistadors). Bon, il ne me reste plus qu’à appeler Monsieur Hulot, cette fois pour lui demander s’il n'aurait pas une idée d’où peuvent bien se trouver ces p**** de clefs !! Mais au moment où je plonge ma main dans mon sac de Mary Poppins du pauvre, quel n'est pas mon désarroi.....

A la même heure, dans une galaxie très très lointaine, au Bureau d’Etude des Cas Terriens :    
     
-          "Non mais Guz42b, vous vous payez ma tronche ? Qu’est-ce que je viens de vous dire ?
-          Mais c’est que cette Perrine Pan est vraiment un cas étrange, Chef!! Je ne peux m’empêcher de l’observer pour mon plaisir personnel. Et c'est une bonne pioche, deux d’un coup !  Regardez-moi ça!! Qu’est-ce que peut bien être ce curieux objet en mousse jaunâtre ? On dirait qu’il a été fortement mâchouillé . 
-          Un porte-clef Bob, Guz42b, vous débarquez de quelle planète ? On en a des boîtes pleines, pareil pour les cartes Delhaize hein, on ne sait plus quoi en faire !! Et on n’a jamais compris à quoi ça servait….."
Guz42b se dirige alors vers le rayon Perrine Pan, passe devant l’étagère « téléphones mobiles, de 1999 à nos jours» en songeant qu’on pourrait retracer tout l’histoire de l'évolution du GSM terrien rien qu’en se basant sur cette planche. Il y jette un oeil mais l'étagère est pleine. Il enjambe alors quelques boîtes marquées : « portefeuilles et papiers administratifs divers », « montres », « sous-vêtements », « brosse à dents », « chaussettes », « compacts disques », « couvercles de Tupperware » ainsi que de grands coffres portant les inscriptions « mémoire » et « dignité humaine », prélevées entre autre les soirs de grands rassemblements terriens. Mais Guz42b doit se rendre à l’évidence, le rayon consacré à Perrine Pan est full, il ne reste plus qu’une toute petite place entre un appareil dentaire daté de 1988 et une paire de lunettes: il doit donc faire un choix.

« Mais non t'exagères, j'ai plus rien perdu depuis au moins deux semaines. AAAAhh attends.... oui, c’est bon, je les ai !!" m'exclame-je alors que j'aperçois qui dépasse de sous le fauteuil le scintillant objet du désir. "Bon, tant pis pour mon chargeur, je le chercherai plus tard, on a qu'à communiquer par mail. Super, je file, à tantôt, et déso pour la p’tite perte de sang froid !! », conclus-je en  raccrochant le téléphone fixe. La cloche de l’école sonne, on aura juste 10 minutes de retard....nickel!!

(Merci à Tome & Janry et à leur Petit Spirou à qui j’ai légèrement pompé l’idée ;-)……)

lundi 9 janvier 2012

Episode VII: La réunion de parents

Je le savais depuis 3 semaines. J’avais signé le mot dans le cahier de correspondance, je l’avais photocopié, je l’avais placardé sur mon frigo à l’aide de quatre magnets (le A, le G, le H en plastique et un magnet John Lennon), je l’avais noté dans mon agenda papier, dans mon agenda Google du boulot, dans mon agenda Google de famille, dans ma to do list, sur le mémo de la cuisine, sur un post-it et sur ma main. Non pas que je sois distraite, mais mon cerveau aime faire du tri sélectif avec parfois un certain excès de zèle.

Mais le chat a joué avec le magnet A, qui s’est fait la malle, ce qui a fait flancher le reste de la team. Le G, le H et John Lennon ont fini à terre et avec eux la photocopie A5, ramassée et rangée sur-le-champ dans le bac de feuilles de brouillon par mon mari, écolo extrémiste recyclant plus vite que son ombre. L’agenda papier a été oublié à la réunion dominicale chez la belle-famille, ma fille a dessiné un kangourou sur le mémo, le chat s’est étouffé avec le post-it qui avait été préalablement réduit en boulette par mon autre fille. Le jour de la réunion de parents - objet qui figurait sur tous ces supports, vous l’aurez deviné - il y a eu une panne de réseau au boulot et le mot sur ma main s’était effacé depuis belle lurette, car en fait, j’ai une drôle de manie qui consiste à me laver chaque matin. Résultat, en rentrant chez moi hier soir, après une heure de trajet en bagnole qui avait eu raison de ce qu’il me restait de féminité, et une fois la marmaille ramenée au QG, j’avais complètement zappé la petite sauterie du soir. En prenant note de l’adresse du bar où mon amie Madeleine de Proust, débaucheuse notoire, me sommait d’aller boire un verre dans une heure, une vision d’horreur s’offrit à moi alors que je retournais la feuille par manque de place et que je lus : « Lundi 12 décembre, réunion de parents dans la classe de Madame Lucette à 20h. » « What the f**** !!! » m’écriais-je alors devant ma jeune Padawan et la petite Oompa Loompa (Heureusement, il ne devait pas exister d'épisode de Dora l'Exploratrice intitulé "Dora souffre du Syndrome de Gilles de la Tourette".) 

Je jumpe alors au premier étage pour enfiler mon déguisement de mère de famille et troquer mes baskets contre des talons de minimum 5 cm de haut, mon hoodie contre un gilet en cachemire offert par ma belle-sœur à Noël, et mon écharpe à grosses mailles contre un pachmina tout ce qu’il y a de plus womanly.  Je dégringole les escaliers en me demandant quand nom d’un chien mon mari allait franchir la porte d’entrée et se confondre en excuses pour me libérer, avant de tomber nez-à-nez avec le kangourou dessiné par ma fille sur le mémo de la cuisine, qui s’accompagnait désormais d’un phylactère disant : « N’oublie pas que j’ai une réunion pour le boulot ce soir. Biz & Love. Monsieur Hulot.»

Un quart d’heure plus tard, je débarque avec perte et fracas dans la classe de Madame Lucette, une fille à bout de bras, l’autre dans une poussette, un biberon greffé à la bouche (ma fille, pas moi). L’assemblée des jeunes parents me dévisage. Si elle aussi pouvait être accompagnée de phylactères, ceux-ci prendraient la forme d’un nuage et diraient pour certains : « Quelle mère indigne de venir si tard avec ses gosses!!» , pour d’autres « Quelle mère indigne d’envoyer la babysit à sa place!!», ou encore «  Quelle coiffure de merde!! » ou enfin « J’ai déjà vu cette montre quelque part… Ah oui, sur ma fille de 12 ans!!» La réunion se passe, les photos des activités réalisées en classe par les enfants circulent de main en main, suscitant à chaque fois exaltation et petits cris de chaque mère de famille, comme si c’était la première fois qu’elle voyait des enfants faire de la peinture.  De mon côté, je préfère garder l’oeil sur mes filles, qui semblent s’être lancées dans un concours d'imitation de cri de goret, et comme défi de décoller de leurs panneaux un max de photos des camarades de classe de la jeune Padawan.

La réunion se termine, et alors que je tente le délit de fuite pour ne pas avoir à expliquer à Madame Lucette pourquoi le contenu des coussins de la salle de lecture se trouve désormais dans la caisse à cartables et pourquoi le petit Mateo n’a plus de tête sur la photo de classe, Barbara, une fille qui était avec moi au Collège et qui semble quant à elle avoir totalement réussi sa mutation - déguisement impec’, du pantalon fuseau au brushing  - me saute dessus à grand renfort de cris de harpie, comme si on ne s’était plus vues depuis le cours d’EDM alors qu’on s’était encore croisées à la garderie tout à l’heure. « Perriiiinnneeee !!!! RRho tes filles sont adorap’ dis !! Il faut absolument qu’on s’fasse une bouffe. Tu sais que je fais partie de l’AP maintenant hein ? En fait, j’aurais deux, trois trucs à te demander. »  Je ne sais à laquelle de ces informations je dois répondre en premier, mais Madame Lucette me sauve la mise – enfin, c’est ce que je pense alors - : « Madame Pan ? Vous auriez encore le temps 5 minutes pour que l’on discute un peu ? »

Une fois que la classe s’est vidée, Madame Lucette me fait asseoir sur une chaise à échelle d’enfant de maternelle, ce qui n’aurait pas posé de souci si elle ne s’était pour sa part assise sur une chaise normale. En contre-plongée, elle me dévisage d’un air grave et me lance : « Madame Pan, il y a un problème avec votre fille. » Aïe, je pensais ne pas avoir à entendre cette phrase avant son adolescence. Les idées les plus folles me viennent en tête : A-t-elle menacé un prof avec un poinçon ?  A-t-elle racketé la petite Violette pour lui voler ses biscuits Hello Kitty ? A-t-elle déversé mon flacon de Fleurs de Bach dans la soupe de la cantine ? Mince, ça y est, elle a repéré que ma fille venait de vandaliser le bricolage de Noël de la petite Aliénor, sur lequel, désormais, on pouvait lire en lettres de mousse : « JOYEUX NOEL & BONNE ANNEE, VOTRE ALIEN QUI VOUS AIME. » « Madame Pan, reprend-t-elle, ça ne va pas du tout. Votre fille, elle ne sait pas…. découper. » « Pardon ? Elle ne sait pas quoi ? », balbutiai-je, tant j’étais interloquée, presque déçue, par la non-gravité des faits.  « A 4 ans, elle est encore loin de maîtriser le découpage. Le poinçon, c’était déjà limite, mais là, j’aurais envie de vous conseiller d’aller voir un spécialiste. Je ne sais pas, parlez-en à votre mari. » Lui promettant de tout faire pour trouver l'enfant illégitime de Françoise Dolto et d'Edward aux Mains d'Argent afin d’aider ma fille à passer ce cap difficile, je la quitte amusée. Je n’en pense pas un mot, évidemment. 

samedi 7 janvier 2012

Episode VI : Le panier bio


C’est Lou-Anne qui la première m’a parlé de ce concept désormais très bobo des abonnements aux paniers-bio, Lou-Anne dont l’acte le plus écologique qu’elle ait posé de mémoire est d’avoir offert La Terre vue du Ciel  à sa mère à la Noël 2004. « Ouais franchement c’est un truc à faire » me disait-elle il y a quelques semaines en imprimant recto-recto l’ensemble de ses extraits de compte de l’année 2011 sur du papier blanc 160 grammes. « Mais ce qui est encore mieux, c’est de rejoindre un GAS…. - regard de rollmops frit de ma part – mais ouais, un Groupe d’Achats Solidaires quoi, on se regroupe par consommateurs et on achète des légumes bios directement à l’agriculteur,  ce qui permet d’acheter moins cher et de rétablir une consommation plus humaine. » m’explique-t-elle avec autant de crédibilité qu’une Marine Le Pen qui tenterait de convertir à l’Islam un de ses militants. « Je te jure, Perrine, c’est super, tu vois, le goût de la tomate, tu le sens vraiment, rien à voir avec ces tomates insipides qu’on te sert dans ce genre de salades toutes faites. » sermonne-t-elle en désignant mon assiette de tomates-crevettes en provenance directe de la cantine. « En plus, tu sais que tes crevettes, elles sont peut-être pêchées à Ostende, mais après elles sont envoyées en Turquie pour épluchage et ramenées en Belgique pour la vente, tu te rends compte ? »  Ce qui me sidère, c’est davantage le fait que Lou-Anne détienne ce genre d’information et la propage sous forme de bonne parole, que l’affirmation en elle-même, dont tout téléspectateur qui se respecte et qui a suivi le dernier Questions à la Une est au courant. N’empêche, cela avait suffi à titiller ma conscience judéo-écolo (si elle le fait, je devrais le faire depuis longtemps, moi qui lui avais tout appris sur le tri des déchets, les ampoules écologiques et les bienfaits du compostage. Comment n'avais-pas pu encore adhérer aux paniers bio? Quelle inconscience!!), du moins jusqu’à ce que je franchisse la porte tambour de la rédaction et oublie instantanément cette conversation surréaliste.

Mais cet événement eut tôt fait de me revenir en mémoire la semaine passée, alors que je déposais ma jeune Padawan à l’école. Une affiche aux valves attira mon attention : «Jeune parent cherche amateurs de produits locaux et bios pour créer Groupe d’Achat Collectif à la Ferme de la Mulotte». Allez, je me lance, pensais-je en arrachant d’un geste franc le papier prédécoupé où figurait le numéro de téléphone de Michel, le prophète local de la consommation citoyenne, avec la fierté d’une résistante qui aurait chassé de Belgique le dernier soldat allemand. Lors de notre conversation téléphonique, Michel me remercie de rejoindre sa bande de joyeux mangeurs de légumes authentiques, et me dit que je recevrai le premier panier bio le lundi prochain. Hier matin, on sonne à ma porte dès-potron-minet. Ayant complètement oublié cette info, je me demande qui peut bien me déranger à  une heure si matinale. La tignasse emmitouflée dans un essuie de bain, j’ouvre la porte. Personne. Je baisse le regard et là, je découvre un panier. Prise soudainement d’angoisse en songeant que j’allais peut-être découvrir un bébé orphelin sous l’essuie de vaisselle protégeant le contenu, je me calme instantanément en apercevant des feuilles de carottes dépassant du contenant. De retour dans la cuisine, je découvre ce que recèle ce premier numéro, décrit sur le petit carton qui accompagne les produits. Première constatation : loin de mettre l'eau à la bouche, leurs noms font davantage penser à des maladies (persil tubéreux, Claytone de Cuba (c’est local ça ?), scarole, rutabaga). Me demandant comment j’allais cuisiner ça et surtout le présenter à la petite famille « Réjouissez-vous, je vous ai préparé une bonne purée de Claytones de Cuba » ou « Ce soir, c’est poulet rôti et persil tubéreux, Oh de la li !! » Je les imagine déjà en train de pleurer à chaudes larmes devant leur assiette avant  d’appeler l’ONE pour dénoncer cette maltraitance et se faire confier à une famille d’accueil. « Mais tu comprends rien, ce sont des légumes oubliés ! », m’expliquera plus tard dans la journée Lou-Anne. « Oui bon, mais si on les a oubliés, c’est peut-être pas pour rien.», lui rétorque-je. « Tu verras, bien assaisonnée, une salade de rutabaga, c’est super bon !! ». Le soir, je tentais l’expérience. Le nom a surtout fait rire ma fille de 4 ans (avant de me demander si ça s'accompagnait de bouillon gras), elle a même eu l’air de trouver ça comestible, et n’a pas réclamé pour aller vivre chez la voisine. Mais le plus dur reste maintenant à faire : ne pas laisser pourrir le reste du panier pendant des jours dans le fond du frigo, voire…. l’avoir consommé avant le prochain arrivage!!

Episode V: Docteur Doogie


Le problème, quand on vieillit, c’est que les autres autour de vous vieillissent aussi. Détrompez-vous,  ceci n’est pas du Jean-Claude Van Damme interviewé au saut du lit (ou qui serait devenu l’égérie d’une crème anti-âge), mais bien une réflexion que je peux me faire au quotidien, dès que je m’installe devant les JTs de nos chaînes nationales, que je tourne les pages du Soir ou que je surfe sur IGoogle, et que j’ai la crispation de voir apparaître tantôt le sourire immaculé, tantôt la signature en toutes lettres d’un ou d’une jeune prépubère diplômé(e) de l’école de journalisme où j’ai fait mes classes. Hier encore, j’ai recraché mon morceau de hachis parmentier non pas parce qu’il était calciné (ce qui constitue la norme), mais bien parce que je venais de voir apparaître en 16/9 la tronche d’un ancien petit gars qui était deux ans en-dessous de moi aux cours, geek en apparence, dyslexique en réalité (et qui pratiquait assidument un drôle de hobby qui consistait à marcher sur des boîtes de conserve, mais ceci est une autre histoire), et que ce petit gars pour qui on aurait tout spécialement organisé un gala de charité afin de rassembler des fonds pour lui acheter un début de sex appeal, ce petit gars-là était en train de commenter in situ le dernier rebondissement de l’épisode « Di Rupo essaie de garder son gouvernement », avec autant d’assurance que le ferait un reporter de CNN et avec une classe qui ferait passer Sean Connery pour un plouc qui sent la barbe et le dormi. En fait, plus le temps passe, plus jeunes sont les visages de ceux qui constituent le paysage médiatique belge, et plus je regrette d’avoir tant cherché ma voie, et me dis qu’il serait temps que j’arrête les piges et me trouve un « vrai » boulot. Tâche que je m’empresse aussitôt de remettre au lendemain, ou d’inscrire sur une to do list, to do list qui sera abandonnée quelques jours plus tard dans un caddie du Colruyt (voire du Delhaize, cfr. Episode 4), après que je l’aie confondue avec ma liste de courses.

Mais cette réflexion philosophico-démographico-sociologique, je ne me la fais pas qu’aux heures de prime time. Il me suffit de me rendre chez le médecin, chez le kiné, de faire appel à un architecte ou à un notaire pour me rappeler que les années ont passé, que les gens à qui je confie mes enfants, mes biens les plus précieux ou encore mes secrets les plus gênants sont à présent des personnes de mon âge, qui mettent peut-être des pantoufles Droopy le week-end, qui conduisent peut-être bourrés, ou – qui sait ? - font partie du groupe « Si toi aussi tu allumes l’ordi avec ton pied » sur Facebook. Comment ne pas flipper un brin quand, sur la table d’opération, il te revient en mémoire que le chirurgien ophtalmologiste qui va te charcuter et que tu étais sûre de connaître de quelque part était avec toi au cours de science donné par ce prof archi nul ? Ou pire, que la sage-femme qui est de garde la nuit de ton accouchement est une vieille connaissance, à qui tu es alors obligée de faire des mondanités dans la tenue très distinguée qui est celle des femmes qui s’apprêtent à mettre un enfant au monde ?

Dernière aventure en date, ma rencontre avec le Docteur Doogie. En grande névrosée que je suis, je m’étais enfin décidée à écouter mon entourage qui me conseillait depuis des années d’aller consulter un thérapeute (rien que ça, d’ailleurs, pourrait justifier une telle décision, me direz-vous). Très réticente au début, j’avais fini par accepter de suivre leurs conseils, après avoir constaté qu’il était désormais hyper tendance d’aller voir un psy (« J’en parlais encore l’autre jour à mon psy » « Ah non, pas possible de t’accompagner à la zumba, c’est l’heure où je vois mon psy », sont en effet des discours que j’entends de plus en plus fréquemment autour de moi), que ça avait un côté new-yorkais branché et woody-allenesque qui ne me déplaisait pas. Après m’être présentée au secrétariat de la Clinique de l’Anxiété (a-t-on idée de donner pareil nom à un service médical? Pourquoi pas la Clinique de l’Angoisse ou de la Forêt Noire, tant qu’on y est ?), je patientais dans la salle d’attente. Alors que j’étais en train de dresser mentalement le portrait robot de mon psy idéal, en espérant que la réalité rejoigne ces stéréotypes issus de l’inconscient et de l’imagerie collectifs (homme à la carrure de grizzli, barbe grise et cheveux à la Albert Einstein, veste de Tweed et pantalon en velours, pipe à la main, homme surtout vieux, trèèèèss vieux, d’une infinie sagesse, bref, quelqu’un à mille lieues de ce que je suis), un adolescent fait irruption dans la pièce, tellement frêle qu’au début je ne le remarque pas. Je vois qu’il parcourt du regard l’assemblée des lecteurs du Femme Actuelle qui peuple la salle d’attente, j’ai envie de lui demander si je peux l’aider, en lui indiquant par exemple la direction du service de dermatologie pour qu’il aille soigner cette vilaine peau, et c’est là qu’il lâche, avec la fermeté d’un aboyeur de soirée mondaine: « Madame Pan ? ». A ce moment-là, c’est toute ma liste de contacts Facebook puis tout mon passé qui défilent sous mes yeux. Merde, je le connais, j’en suis sûre !! On a surement fait la fête ensemble. RRhhoooo non, un ex, c’est surement un ex !! Non, il est trop jeune, pas possible. Un louveteau !! Oui, ça doit être un louveteau, à moins que ça ne soit un enfant que j’ai baby-sitté? Alors que j’arrive à la fin de la recherche (avec néanmoins beaucoup moins de joie de vivre et de panache que le petit chien à qui incombe cette tâche sur Windows) qui se solde par un « 0 résultat », je n’ai d’autre choix que de le suivre, sueur froide dégoulinant le long de mes tempes, rougeur extrême au visage, et festival d’extrasystoles dans la poitrine. Une consultation psy qui commençait sous les meilleurs auspices. Non mais quoi, je n’allais quand même pas parler de ce cauchemar récurrent où j’ai mis un affreux kilt (mais ai omis d'enfiler une culotte) pour aller aux cours ou de mon complexe d’infériorité, à ce Docteur Doogie ? A ce psy de pacotille à  qui l’on a du faire miroiter un diplôme comme récompense si il arrêtait la tutte ? A ce blondinet en couche-culottes à qui j’ai envie de dire : « Ca va, hein, j’ai eu 17 sur 20 à mon exam de psycho à l’unif, le stade du miroir et le complexe d’Œdipe, je maîtrise, t’as rien à m’apprendre !!» Ah non, ça pas question !! J’ai donc fait demi-tour et suis rentrée chez moi. Je l’ai googlisé…. je ne le connaissais pas. 

lundi 2 janvier 2012

Episode IV: La Carte Delhaize

Samedi matin, moment consacré aux sacro-saintes courses, pour les travailleuses à temps plein comme moi qui n’ont pas le loisir de se rendre au supermarché en semaine. Alors que je franchis les portes automatiques du Colruyt, je remarque vite que quelque chose ne tourne pas rond. Je suis entourée de fruits et légumes et je ne caille pas. Merde !! Je ne suis pas au Colruyt, je suis au Delhaize !! Sur un malentendu, j’aurais pris à droite au carrefour au lieu de tourner à gauche. J’aurais payé mon caddie sans même m’en rendre compte pour atterrir ici, au rayon traiteur. Cela dit, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Un acte manqué somme toute assez révélateur de mon côté gauche-caviar, ou plutôt de mon statut de travailleuse pauvre qui vit au-dessus de ses moyens, tombée comme une bleue dans le piège du marketing et de l’achalandage tape-à-l’oeil. Comme à chaque fois que je choisis (sous la contrainte ou non) l’enseigne au lion pour remplir mon frigo, l’occasion m’est donnée de me poser cette question existentielle, à savoir: pourquoi les caissières du Delhaize laissent-elles tomber instantanément leur sourire d’affiche de cabinet dentaire lorsqu’à la question « Avez-vous la carte Delhaize ? » vous osez leur répondre « non »? Elles vous dévisagent alors comme si vous veniez de leur annoncer que vous souffriez de scorbut ou que vous veniez de vous envoyer en l'air avec leur mari au rayon papeterie. Elles se mettent à accélérer leur scanning, et vous balancent vos commissions avec un peu moins de douceur, quand ce n’est pas, pour certaines, avec l’enthousiasme d’une lanceuse de troncs. Inquiète, j'ai alors envie de leur répondre: "Quoi, c'est grave?", mais je m'abstiens. 


Il faut qu'on m'explique. Les possesseurs de la carte Delhaize formeraient-ils un club très privé ? Ou s’agirait-il également d’une secte déguisée (v. épisode précédent: la réunion Tupperware)? Et pourquoi diable cette carte prend-t-elle la forme d’un porte-clefs ? Cette amulette en plastique semblant constituer un must-have pour tout trousseau de ménagère qui se respecte contiendrait-elle quelque puce ou autre micro pour suivre le client à la trace ? Est-ce que ça vous ouvre des portes dans la vie, est-ce que vous trouvez plus facilement un job ou une place à la crèche? En fait, on dirait que les clients du Delhaize se séparent en deux groupes bien distincts  : « ceux qui l’ont, ceux qui l’ont pas », et que les caissières fonctionneraient de manière tout aussi dichotomique : « T’as la carte, t’es bien, t’as pas la carte, t’es naze. » Pour ceux qui n’ont pas leur pass rouge et blanc, adieu promotions, points bonus et autres concours pour remporter couverts du dimanche ou services imitation faïence italienne. Par contre, pas besoin de dégainer la carte Plus ni d’être parent pour que l'on vous refourgue à la caisse tout une armada de petits cadeaux marketing à destination des enfants, qu’il s’agisse de surfer sur la vague d’un film ou d’une tendance ou, à défaut, de créer son propre phénomène de mode. Cadeaux qui, si par chance se présentent de manière plane, vous pouvez encore coincer entre les dents au dernier moment quand, les mains pleines, et après avoir longuement réfléchi – Je les prends ? - J’les prends pas ? - Je les prends ? – J’l’es prends pas ? – vous décidez d’accepter. Inutile d'ailleurs de préciser qu'il serait fortement déplacé de repousser cette offrande,  surtout si vous ne possédez pas la carte Delhaize. Comment oseriez-vous refuser ce geste commercial qu’on daigne quand même vous accorder? Les enfants deviennent alors à leur tour victimes d’un étrange clivage du genre « Ceux qui ont la farde pour rassembler la collection de cartes Pixar, ceux qui l’ont pas. » Et d’assister à de curieux négoces entre parents qui se rejoignent sur le parking de l’école pour tenter d’acquérir les cartes manquantes et d’arriver à compléter en premier la farde du fiston, fierté absolue (du parent, bien plus que de la cible marketing qu’il vient de déposer devant la barrière de l’école). A se demander si l’enfant dans l’histoire n’est finalement pas le responsable des achats de la famille. Mais peut-être est-ce simplement son âme d’enfant qui parle. Et ce n’est pas moi qui oserait lui reprocher de souffrir du syndrome de Peter Pan, quand bien même cet ersatz aurait troqué la poudre écolo de la Fée Clochette contre  une grosse berline bien polluante.  

Episode III: La réunion Tupperware

En cette période de fin d’année, reboostée par les quelques jours de congé qu’elle a le droit de prendre avant la fin de l’année, la femme moderne se détend. Elle prend tout d’un coup le temps de penser à elle, à ses passions, à ses rêves les plus fous qu’elle va avoir enfin – peut-être – le temps de réaliser durant ces 10 jours. Alors, elle se dit : pourquoi ne pas organiser une bonne soirée Tupperware ? C’est vrai quoi, quoi de plus excitant, de plus funky, de plus rock’n’roll qu’une exhibition de boîtes polyèdres en plastique, cubiques, cylindriques, voire - soyons fous – figuratives (pour les grandes occasions du calendrier) ? Je me suis parfois demandé si cette entreprise de boîtes fraîcheur ne servait pas de couverture à une secte dont les gourous parcourraient écoles et jardins d’enfants, à la recherche de femmes qu’ils convertiraient au culte du polyéthylène par une séance d’hypnose, et qu’ils relâcheraient ensuite dans la nature. Les femmes mordues par le virus Tupperware déambuleraient alors dans les rues,  le regard hagard, à la recherche de nouvelles victimes à contaminer. En bonne militante anti port de spatule que je suis, cette question me titillait, c’est pourquoi je n’ai pas manqué de jumper sur l’occasion d’aller vérifier cette théorie de mes propres yeux, lorsque, hier après-midi, la maman de la petite Clara me conviait à une réunion d’un de ces clubs très privés des adeptes de la conservation. Ma première invitation à une réunion Tupperware, je n’en revenais pas !! J’avais bien quelques appréhensions, il faudrait sans doute que je me protège, que je revête une combinaison anti-bisphénol au cas où la marque mentirait sur ses principes environnementaux, que je me munisse de mes lunettes anti-hypnose, mais c’était bien le sentiment d’excitation qui dominait ma pensée, alors que je parcourais des yeux la petite photocopie A5 qui m’avait été remise en main propre. A l’ère du mail et de Facebook, ça s’applaudit, je dis !!


La première réunion Tupperware, un événement marquant dans la vie d’une femme donc, peut-être plus encore que l’achat du premier sous-tif ou le perçage d'oreilles. Je voulais que tout soit parfait. Et surtout ne pas trahir mon statut de non-initiée. Après avoir relu « La grande encyclopédie de la conservation alimentaire, de la boîte de conserve à la boîte à tartine »,  je sonnais à la porte d’entrée de Virginie, notre déléguée-gourou de la soirée, plus prête que jamais à entamer ce voyage initiatique vers le jardin des délices sous vide.  


Ouverture de porte et grand sourire de Virginie. Après un coup d’œil furtif à ses pupilles pour en  vérifier l’état de dilatation (tout a l’air ok), je m’engage vers la salle de cérémonie. Assises en cercle sur des chaises Tobias de chez Ikéa, six femmes semblent boire les paroles de la Maîtresse Es Tupperware invitée spécialement pour l’occasion, qui se distingue des autres par le fait qu’elle seule semble avoir  droit à un coussin, et qui fait qu’elle dépasse de quelques centimètres le reste de l’assemblée. A virer de ma liste de croyances sur les réunions Tupperware donc : ce n’est pas la copine qui t’invite qui opère le rituel initiatique. Contrairement à ce que j’imaginais, notre hôtesse n’a pas suivi de formation, n’a pas assisté à des conférences. Elle n’a pas de diplôme ni de certificat qui attesterait de ses compétences en matière de conservation sous vide. Non, elle se contente d’inviter une professionnelle. Soudainement décomplexée par rapport à la maman de Clara qui m’a toujours un poil énervée (déléguée des parents de la classe, déléguée des parents délégués, présidente de l’Association de Parents, mais cadre dans une grosse boîte d’autre part), je me dis que cette petite réunion doit certainement posséder quelques vertus thérapeutiques. Aïe, méfiance, serais-je déjà en train de me faire manipuler, le paillasson à peine franchi ? 

Virginie m’invite à les rejoindre, me présente à ces femmes qui semblent toutes se connaître depuis la crèche. Grand sentiment de solitude et envie de découvrir dans un coin de cette immense cuisine, la machine à se téléporter de Seth Brundle (v. La Mouche, David Cronenberg, 1986), et qui me renverrait à la seconde dans mon canapé pour suivre le dénouement de Desperate Housewives. Bribes de conversation à l’heure de la dégustation des premiers amuse-bouches concoctés par notre hôtesse (gggrrr, c’était trop beau !!) à l’aide des petits moules de la page 46 du catalogue: «  Oh dis c’est top –Et ça, à quoi ça sert ? – MMMMmmmm et ça c’est juste à se rouler par terre – 30 Euros – Tiens et ton mec il est où ? – C’est une recette de  La cuisine à 4 mains – C’est un peu trop salé  - quoi, 30 Euros ? – Au dressage avec le chien – Normal y a des lardons – Oui, mais on paye la qualité – C’est garanti –in-jau-nis-sable !! - Et Bérengère elle vient pas ? – Oh ça je peux pas manger j’allaite toujours - P52 c’est quoi cette sphère un peu cônique ? – Y a Béren qui demande si c’est près de L’avenue Rogier– Oh génial ils ont les mêmes dans Master Chef ! ». Heureusement, le vin blanc que le papa de Clara avait sorti de sa cave pour l’occasion commençait à me monter à la tête, mes jambes devenaient peu à peu cotons-tiges et mon esprit commençait à s’évaporer. J’évoluais désormais dans un monde parallèle, au paradis des amuse-bouches, où je sautais de petit cake moelleux en petit cake moelleux. Les voix de mes convives étaient désormais lointaines, pas plus dérangeantes qu’un léger acouphène un lendemain de concert. Un appel strident et je tombe de mon nuage en forme de soufflé au fromage. « Perrine, tu commandes quelque chose ? PERRINE !! » Manquant de choir réellement de ma chaise, j’esquisse un sourire gêné. « Oui, euh, oui, ben, je vais prendre ce shaker à vinaigrette. On peut faire des cocktails avec ? » Vu le regard outré des autres filles, je me demande si je n’ai pas atterri par erreur à une réunion des Alcooliques Anonymes. Main de la maman de Clara qui se dépose sur mon bras. « Bon choix, tu verras c’est super pratique, genre quand t’apportes une salade à un barbec. »

Une fois la chaleur rassurante de ma couette retrouvée, je dresse le bilan de cette soirée : pas besoin d’une soirée « Upper » ou d’oestrogènes pour booster sa féminité. Ce soir, je me sens réellement un peu plus femme. Et plus légère de 20 Euros. Bon, c’est chérot, mais pas assez pour qualifier ces réunions de sectaires. Et il me tarde tant d’inviter la maman de Clara à venir déguster une salade - seul plat que je maîtrise - concoctée à l’aide de ce superbe shaker....Ou pas. 

Episode II: Le blog

« Quwé ? Tu vas faire un blog ? Ca existe encooore ça ? ». Soit la réaction ce matin de mon collègue rixensartois quand je lui annonce mon désir subi, ardent et inexpliqué de me mettre moi aussi à étaler ma vie sur internet. « Mais enfin Chérie, t’es dingue, qui a encore besoin d’un blog, tout le monde est sur Face’.» « Quoi ? », de s-en-mêler alors Lou-Anne, ma collègue genvaloise, tout en dégainant son IPad. « T’es encore sur Facebook Pierre-An ? J’croyais qu’t’allais supprimer ton compte…. Moi en tout cas, j’ai arrêté net, du jour au lendemain, ah ouais. J’suis juste restée sur LinkedIn, parce que bon ça, c’est professionnel et c’est vachement bien foutu. » Alors que j’essayais de comprendre à quel obscur bled flamand elle faisait référence, mon collègue rixensartois de reprendre : « Non mais attends, les blogs, c’est naze ma grande, c’est pour les fans de scrépbooking ou les collectionneurs d’enclumes, mais toi, qu’est-ce t’as besoin de faire un blog ? Si c’est pour mettre des photos de tes mioches et d’ton mec t’as Facebook, je vois pas où est la plus-value.» Bon, mon collègue rixensartois n’a pas tout à fait tort, c’est vrai que faire un blog, c’est un peu tarte. Si pas complètement has been. Mais, pour ma défense, comme tous les gens de mon âge, j’ai toujours une guerre de retard. J’en veux pour preuve que j’ai découvert l’existence d’Abercrombie le jour de l’ouverture d’une de ses enseignes à Bruxelles.  A en croire ma cousine de 20 ans, ça faisait des annnéééées que tout le monde attendait ça. C’était donc ça tous ces gens sur l’Avenue de la Toison d’Or l’autre jour !! Je me disais aussi que ces Indignés étaient vachement prout-prouts…..  

Par contre, mon collègue est à mille lieues de la réalité quant aux raisons qui me motivent à créer un blog. Loin de moi la volonté de me taper la frime en postant des photos de la rénovation de ma nouvelle 2 façades et demi dans le BW. Loin de moi le souhait de publier en veux-tu en-voilà des photos de mes têtes blondes (Golden Retriever non inclus, je n’en ai pas, Dieu m’en préserve), même si ce sont de loin et objectivement les plus beaux enfants que la terre ait jamais connus en son giron. Loin de moi, vraiment, l’envie de tomber dans ce narcissisme crasse et répugnant qui semble frapper l’être le plus modeste dès lors qu’il inscrit son nom dans les pages du grand livre des visages de Mark Zuckerberg. C’est vrai que je suis mal placée pour en parler, j’ai moi-même été contaminée par le virus du moi-je. Mahatma Ghandi, lui-même, aurait posté des photos de sa Marche du Sel sur Facebook si le web 2.0. avait fait son apparition à l’époque. Mais en ce qui concerne mon blog, c’est différent. Il aura une vocation à la fois thérapeutique et sociologique. Il se voudra le portrait d’une adulescente prisonnière des années 90, telle une cavalière qui aurait chu et dont le pied resterait désespérément rivé à l’étrier de sa monture galopant toujours plus vite vers l’horizon, l’œil fou et l’écume au coin des lèvres. 

Episode I: Comment je me suis chopé la trentaine

On croit que ça n’arrive qu’aux autres, et pourtant. Ca s’est passé il y a 6 mois. J’avais 16 ans, tout allait bien. Je suis allée dormir, je me suis réveillée, le lendemain, j’avais 30 ans. J’ai pas compris. Je me suis chopé la trentaine, comme ça, paf, sans crier gare. Pas de message d’alerte préalable, pas de message d’erreur 404, pas d’annonce syndicale, pas même le moindre symptôme annonciateur.

C’est sans doute pour cela qu’on ne s’en rend pas tout de suite compte. Au début, c’est une sorte de malaise, comme quand l’on sort d’un fast food et qu’on a l’impression d’être devenu une frite. On est pareil, mais en moins bien. Bien vite, on se rend compte que  le regard des autres, aussi, est différent. Regroupés en équipe comme s’ils s’apprêtaient à participer au « Juste âge », vous les devinez prendre des paris sur le nombre de printemps que vous comptez à votre actif : «33 balais, pas moins !!» "Jamais!! 28, grand max." Ils vous scannent de la racine des cheveux aux pointes de pieds, la tête penchée tel des épagneuls entendant le cri d’un faisan à l’ouverture de la chasse.  Désormais, les gens s’adressent à vous ou vous désignent par de drôles de noms – Madame, Maman, épouse- ils vous vouvoient. Pire, vos pairs, les ados, vous vouvoient - trahison absolue ! Vous vous empressez alors de revêtir votre uniforme de teenager, afin qu’ils vous reconnaissent, vous fassent revenir dans leurs rangs, avant de rigoler avec vous de leur méprise et de s’en excuser platement. Mais non, quand vous mettez votre pull à capuchon, vos semblables (ou du moins, ceux que vous considériez comme tels jusqu’alors), vous jettent des regards de pitié, voire de dégoût. Les autres générations vous traitent d’ado attardée et ne semblent pas vous accorder la moindre once de crédibilité. Vous tentez alors de retourner votre veste, d’atteindre l’autre rive, de passer dans ce camp jusqu’alors ennemi, d’aller serrer le gant Burberry de votre voisine. Mais en chaussures à talons, vous vous sentez usurpatrice de salon. Vous faites tache comme un poster d’Iran Maiden sur une tapisserie Laura Ashley.

Je m’appelle Perrine Pan, j’ai 30 ans. Créature hybride, adolescente dans un corps de femme, je suis un peu la Marylin Monroe du 21ème siècle, le point de beauté, la poitrine opulente, la blondeur, la voix, le talent, l’argent, le sex appeal, la gloire, la notoriété, le succès, le sourire, les gouttes de N°5 pour faire dodo, …. en moins. Pour ne pas finir comme elle, j’ai besoin de communiquer sur mon cas. De rencontrer d’autres représentants de cette génération de Tanguy. En particulier d’autres adulescentes évoluant dans un monde de Desperate Housewives dont elles ne connaissent ni les codes ni les pièges, et dont elles ne parlent pas la langue. Je ne dois pas être la seule, si?