samedi 3 mars 2012

Episode XIV : Les selles liquides (….)

Oui, je sais, c’est un peu trash comme titre. En même temps, une fois que l’on devient parent, il n’y a pas que le sommeil, le sex appeal ou le temps libre que l’on perd, mais également certains principes de savoir-vivre, notamment dans le domaine du langage. Oui, quand on est parent d’enfant en bas âge, on se doit de mettre de côté son sens de la formule, de laisser tomber les figures de style, les métaphores ou autres expressions que notre société nous imposait jusque-là d’employer en certaines circonstances, pour aller directement à l’essentiel. Et par certaines circonstances, j’entends notamment la scatologie et autres considérations médicales en matière de digestion, déglutition, transit, défécation, dermatologie etc, etc. Bref, quand on est parent, on appelle un chat un chat.* Parce qu’il faut que les choses soient claires et la communication fluide entre les différentes personnes en charge de la surveillance de notre bien le plus précieux, et peut-être aussi parce qu’entre le boulot et les obligations parentales, coincé dans l'embrasure de la porte de la crèche, on n’a pas forcément le temps de faire du Prévert pour parler de notre mouflet. C'est pourquoi la puéricultrice nous fera un plaisir d'être concise dans le compte-rendu de la journée de notre enfant, mais pointilleuse sur certains sujets. Ainsi, si vous demandez à la gardienne du jour si la journée de votre enfant s’est bien passée, ne vous attendez pas à entendre des compliments quant à l’évolution de son langage, de sa psychomotricité ou de sa socialisation. Non, en guise de réponse, vous ne recevrez que des chiffres « Oh ben, ça a été, il a dormi deux heures et demi, il a mangé le quart de son assiette, il a pleuré une fois et a eu trois selles dont deux molles. » Que répondre à ça ? « Aaaahhh, super alors, merci et bonne soirée !! ». De quoi donner raison à tous ceux qui prétendent qu’un bébé n’est qu’un tube digestif qui braille.

Loin de moi cela dit l’envie de critiquer celles qui font pour moi un des métiers les plus admirables du monde. Déjà qu’entendre les fruits de mes entrailles « chouiner » (pour reprendre l’expression de mon ancienne gardienne d’enfants ch'tie) plus de deux heures peut risquer fortement de mettre ma santé mentale en péril, que dire de celles qui s’occupent de dix mouflets en même temps ? Pour moi, elles méritent juste le Prix Nobel de la Paix. C’est seulement que ça me fait rire de les imaginer tenir des paris et faire des pronostics sur la productivité de leurs pensionnaires. « Alors, je te parie deux bouteilles de pinard que Flavien bat Coraline 4 régurgits à 2 aujourd’hui. » « Non, moi je mise tout sur le p’tit nouveau. Sa sœur vient d’avoir une gastro, alors je dis 3 selles contre 2 pour la p’tite May-Lis. »

Que j’aie droit au détail complet de la texture et de la quantité du contenu du lange de mon enfant à la fin d’une dure journée de boulot ne me dérange pas, au contraire, je trouve ça finalement assez rassurant et pro de la part de ces gardiennes de la paix (mouais, je vais les renommer comme ça, ça leur va bien finalement, pas pour le côté flic, mais pour le côté « garante de la paix des ménages »). Qu’une fois que nous parlions d’enfant nous n’ayons plus aucune gêne à parler de choses qu’il serait d’un goût douteux d'évoquer nous concernant (z’imaginez, la conversation en arrivant le matin au boulot : « Ca va ce matin ? » « Oui oui, je suis allé deux fois à selle hier soir et j’ai fait un caca dur ce matin. La pêche, quoi. » Le malaise....) ne me pose pas de problème. Qu'enfin cela soit un chouia réducteur de résumer l'état général de quelqu'un à la situation de sa flore intestinale, pas de prob' itou. Ce qui me chiffonne un peu plus, par contre, c’est que l’ONE impose un quota maximum de « selles liquides » autorisés par jour, au-delà duquel votre enfant est prié de se mettre en congé maladie, et ce quelle que soit l’heure de la journée. A savoir : 3 (le quota, pas l'heure). Du coup, si ma fille me fait un truc dégoulinant sur le trajet de la crèche, me voilà prise d'une angoisse que je ne peux m'empêcher de partager avec l'intéressée : « Aïe, plus que 2. Tiens bon ma p’tite, tiens bon, serre les fesses, maman a une réunion ce matin et une interview cette aprèm, et elle ne peut vraiment pas planter ce sociologue pour un motif de caca tirant vers le liquide. » Raté, 10h à peine passés, la sonnerie de mon GSM retentit « Madame Pan, c’est Julie de la crèche ici. Dites, votre fille, elle a vraiment de mauvaises selles hein….. » Et mert’!!

* Et une selle une selle, voire un caca ou un popo. 3 des mots que vous entendez le plus quand vous êtes parent de tits n'enfants. Bonjour le glamour....