samedi 18 août 2012

Episode XXI : Mon cheveu blanc fait des émules.


Ca s’est passé lundi dernier. De retour de vacances, embichée suite à un boostage excessif de mélanine activé sur les plages de la Côte d’Azur, j’arborais un bronzage qui ferait passer Poncherello pour un albinos atopique, ainsi qu’une chevelure dorée obtenue grâce à un savant mélange de soleil du midi et d’usage quotidien de Palmolive pour cheveux blonds (un comble pour une brunette !!). Forte de ces atouts dont la nature, dans son infinie bonté, dote provisoirement - avant de leur ôter cruellement - juillettistes et aoûtiens, je franchis la porte tambour de la rédaction, vêtue d’un débardeur des plus seyants, acheté à 4 Euros sur un marché de Provence. Objectif officiel du jour : remettre au rédac’chef mon article sur la ville de Grasse, tapoté de mes brunes mains sur mon laptop, au bord de la piscine, entre deux lampées de Mojito.  Objectif officieux : me la péter avec mon bronzage avant qu’il ne disparaisse deux jours plus tard, à force de déambulations sous la drache bruxelloise. C’était sans compter le petit talent de société de ma collègue Lou-Anne, qui consiste à saboter le moindre de ces petits bonheurs anticipés qui vous tirent du lit le matin et qui vous motivent à vous lancer dans votre journée : le dernier Black Keys téléchargé sur votre IPode que vous écouterez dans le métro, une nouvelle paire de pompes que vous contemplerez avec satisfaction en attendant la correspondance, les restes des pâtes d’hier que vous vous réjouissez déjà de vous enfiler à 11h58.  Je franchis  avec plus ou moins de succès les différents niveaux du plateau de la rédaction : « Waouw, tu reviens d’où pour être bronzée comme ça ? » me lance avec un petit sourire faux-cul et pincé ma collègue cougar, soulignant davantage ses rides creusées par des années de fréquentation abusive de l’Exotic Sun d’Evere. « Putain, on dirait Eva Longoria, en couverture du dernier Oops !! Bon, une Eva Longoria du pauvre, mais plus jeune, en même temps. » ½ point pour mon collègue homo, dont le tact n’a manifestement pas fait partie des dons légués à sa naissance par les fées. Rien à voir cependant avec la délicatesse incarnée que représente Lou-Anne. Elle, c’est pas 3 fées qui ont du se pencher sur son berceau, mais plutôt des versions en robe de tulle d’Eric Zemmour, de Darth Vador et de Laurence Boccolini : « Sympa cette blondeur, ça te change !! Et ce qui est bien, c’est que du coup on voit beaucoup moins tes CHEVEUX BLANCS !! » . Le temps suspend son vol. Mon bronzage vient de disparaître instantanément. Tels les douze coups de minuit qui ramènent Cendrillon dans son triste quart-monde, en transformant carrosse en citrouille et Jimmy Choo en Birkenstok, j’ai l’impression d’avoir perdu en un coup de langue de vipère ces quelques degrés de glamour que j’avais mis tant de temps à collecter. Une formule assassine, et j’ai la sensation soudaine d’être à la fois palote, adipeuse, de porter un pull à col roulé en poils d’alpaga et surtout d’être vieille, trèèèèès vieille. Ca y est, je suis la Catherine Lara de la presse freelance. Non, même pas. Je suis Julos Beaucarne. Le pire, c’est que non seulement ce Julian Assange du short ras-del’touff lâche cette information en public, devant moi et sans ménagement, mais qu’en plus, cette info tient à la fois du scoop et de la diffamation : « Quoi ? J’ai des cheveux blancs moi ? Mais non, je n’ai pas de cheveu blanc moi ! ». Car s’il est vrai que j’avais déjà remarqué il y a quelques semaines de cela la présence d’un cheveu délavé dans ma crinière ténébreuse, je l’avais arraché sur le champ, pensant reléguer, avant même qu’il ne soit connu, cet épisode au rang des vestiges cachés d’un passé foireux, indépendants ou non de ma volonté (acné juvénile, vergetures post grossesse, tatouage vulgos : témoignage d’une adolescence tourmentée). C’était sans compter l’adage qui veut que les cheveux blancs soient comme les cafards : tu en vires un, y a toute la smala qui débarque pour se venger. Et donc, pendant que je pensais naïvement être débarrassée de cet intrus,  le comité de lutte pour l’égalité des chances militait activement contre ce racisme anti-blanc, opérant de grands mouvements de regroupements familiaux. Ce que je prenais pour un accident de parcours capillaire, une farçounette de la nature, était en fait le début d’une grande opération de colonisation de mes cheveux par ces grands blancs, voire d’une opération de dépigmentation savamment orchestrée.

Un tour aux waters histoire de recouper les sources et d’aller vérifier l’info d’un coup d’œil certes pas des plus objectifs. Je les compte : un, deux, trois, dix, douze !! DOUZE cheveux blancs !! Et personne ne me dit rien !! Enfin, jusqu’à aujourd’hui !! Car bizarrement, tout le monde semble tout d’un coup ne voir plus que ça. A croire que Lou-Anne a balancé l’info sur les réseaux sociaux. Ca a commencé par Gilbert, le rédac’chef. « Y a quelque chose qui a changé, mais quuuuoi ? », me lance-t-il en guise d’accueil, sans même porter la  moindre attention à mon papier. Je l’oriente : « Le bronzage ? La frange ? Mes 3 kilos perdus ? » « AAAAahhh mais attends voir, qu’est-ce que je vois là ? Mais Perrine, ma parole, t’as des cheveux blancs !! Félicitations, te voilà adulte !! ». Et ça a continué le soir, alors que j’avais convié ma sœur à prendre l’apéro pour lui montrer mes photos de vacances. Est-ce pour se venger de cette invitation à l’activité la plus cafardeuse qui soit pour qui n’a pas participé aux dites vacances, première chose qu’elle me lâche en me faisant la bise : « Et c’est drôle ça !! J’avais jamais remarqué que t’avais des cheveux blancs !! C’est jeune dis pour en avoir !! » Mais je vous emmerde, tous autant que vous êtes !! Est-ce qu’on fait chier Françoise Hardy, une des plus belles femmes au monde, parce qu’elle a le cheveu légèrement palot ? Mais les remarques les plus désagréables sont encore celles qui frôlent la condescendance : « Mais c’est super sexy des cheveux blancs !! » Oui, sur George Clooney, ok. C’est vrai qu’avoir le cheveu poivre et sel peut, dans certains cas, être effectivement gorgeous. Mais George Clooney, pour rappel, n’est pas une femme et n’a pas 31 ans. C’est décidé, demain, je vais m’acheter le L’Oréal Acajou Profond dont – tiens !! -  Eva Longoria est l’égérie. Ou alors j’utilise la tactique de Quick & Flupke qui repeignent tout le parquet dans la couleur noire de la tache qu’ils viennent d’y faire, et je me désoxyde toute la tignasse. Comme ça, ça, ce sera fait !! Non mais.