dimanche 25 novembre 2012

Episode XXVI : Les Titres Service, Part 1


Ca y est. Monsieur Hulot a décidé de franchir le cap. Il me l’a annoncé tout-de-go, en rentrant du boulot lundi soir. Non sans avoir eu le temps de se viander en posant le pied sur la locomotive Playschool de la petite Oompa Loompa, avant d’atterrir tête la première dans une manne à linge débordant de slibards et autres fringues non-repassées. Essayant de retrouver son sang-froid en même temps que son Blackberry qui s’était fait la malle lors du vol plané le moins resplendissant de l’histoire de la figure aérienne, il me dit : « Bon, Perrine, c’est plus possible. On bosse tous les deux comme des malades, au Diable la conscience judéochrétienne, prenons une femme de ménage !! C’est ça où tu n’auras plus jamais à repasser mes chemises, vu que je ferai mes valises. T’étais djà pas la reine du rangement quand t’étais au chômage et sans enfant, mais maintenant notre rez-de-chaussée frôle la zone sinistrée. S’il te plaît, pense à la sécurité de ta famille et téléphone demain aux « Petites fées du logis ». » Sur le coup, j’ai trouvé ces réclamations légèrement gonflées, de la part d’un homme qui chaque matin fait de la spéléologie au saut du lit pour retrouver le réveil hurleur  sous la pile de chaussettes qu’il met un point d’honneur à élever un peu plus chaque soir, à l’heure de se déshabiller. Mais bon, force m’était de constater qu’il n’avait pas tort. L’autre soir encore, on était passé à deux doigts de la catastrophe après que notre jeune Padawan ait transformé notre four en banc solaire à Barbies. Après y avoir laissé la majeure partie de sa célèbre chevelure, Barbie Raiponce a fait place à Barbie Desireless, et ma quiche au saumon qui avait déjà de fortes chances d’être immangeable a viré carrément toxique.

Le mardi matin, les fesses à peine posées sur ma chaise de bureau, je composais le numéro des « Petites Fées du Logis » - société dont le nom n’a rien à envier à ceux des DVD préférés de mes filles, labellisés Colruyt Entertainment - sous le regard torve de Lou-Anne. Elle qui ignore encore qu’Hoover n’est pas que l’ancien nom d’un groupe belge et que Black & Decker n’est pas une marque de Vodka,  n’attendit pas que j’eus raccroché avec la fée en chef pour ricaner, avant de me lancer : « Alors, on s’embourgeoooiiisssee ? » C’est là que je perdis totalement mon sang-froid. Insinuer que j’en touche pas une, moi qui me tape une dermatite de la ménagère permanente à force de tremper mes menottes dans des bains de Dreft (mensonge : on ne lave pas de quoi dresser une table de 50 personnes avec une goutte de Dreft, et bien que j’ai la place d’installer à tout casser 8 convives dans ma salle à manger, j’utilise le double du célèbre savon vaisselle à chaque repas festif!!), moi qui pourrais me faire tatouer sur le torse la carte de mes canalisations - si toutefois cette idée n’était pas totalement grotesque et tue-l’amour –, moi qui ai les genoux cagneux à force de me pencher pour faire la poussière sous mon Ektorp….. 

jeudi 15 novembre 2012

Episode XXV: Là où il est question du (parent) trentenaire, de son flantisme, de sa phobie du vendredi et d'une soirée 90's


Souvenez-vous. C’était il y a une quinzaine d’années. Vous étiez ado et mal dans votre peau. Toute la semaine, vous deviez vous farcir 7 heures par jour derrière les bancs de l’école. Alors le vendredi, c’était sacré. A moins d’avoir booké un baby-sitting, vous passiez rarement la première soirée du weekend devant la télé. Et il aurait fallu vous payer pour rester à regarder Apostrophes avec vos parents. Non, le vendredi, c’était soirée mousse à gogo, ou autre improbable message party.

Souvenez-vous, c’était il y a une dizaine d’années. Vous étiez étudiant et bien dans votre peau. Toute la semaine, vous étiez dans l’obligation de guindailler. Le lundi, vous vous rouliez dans la fange à la Jefke. Le mardi, vous vomissiez au Cesec. Le mercredi, vous rouliez des pelles aux soirées de l’Ihecs. Le jeudi, vous vous saouliez au ciné club de l’IAD. Alors, quand arrivait le vendredi, vous n’aviez plus qu’une seule aspiration: somnoler dans le canapé à côté de vos parents, en matant Thalassa.  


Souvenez-vous, c’était vendredi passé. Vous êtes aujourd’hui un trentenaire semi-bien dans sa petite vie. Toute la semaine, vous avez bossé. Mais pas que. Le lundi, vous avez conduit votre fils au judo et votre fille à son cours de danse. Le mardi, vous avez fait quelques heures supp’ avant votre séance de psy. Le mercredi, c’était piscine pour tout le monde. Le jeudi, vous vous êtes fait plomber une molaire chez votre vieux dentiste libidinal, avant de rejoindre, à la bourre, une réunion de parents. Alors, le vendredi, vous vous retrouvez avec l’énergie d’un cheval de trait pensionné et avec le même engouement pour la dancefloor que celui de Donna Martin dans l’épisode de BH où elle porte un déguisement de sirène au Bal de Promo. Vous êtes tellement soumis au dictat de votre filofax - oui, un filofax, c’est overnineties et c’est pour ça que vous avez toujours le vôtre, incorrigible nostalgique que vous êtes-, que même en matière de festivités, vous procrastinez. La débauche, ça sera pour demain. Oui, pour le trentenaire, le vendredi, ça pue, le samedi, c’est swag. Et ça ne lui laisse plus qu'un soir pour ses sauteries diverses et variées. 


Mais moi il faut qu’on m’explique. Ben oui, ça m’échappe. Quoi ? Vous pensez sérieusement qu’après avoir conduit votre mouflet à sa réunion baladin, fait une virée chez Brico pour trouver LA poignée de porte de cuisine idéale, repeint le meuble hérité de votre chineuse – et j’insiste sur la quatrième lettre – de belle-m’, attendu votre commande à la beenhouwerij, être passé au car wash, et avoir enfin récupéré votre Baden Powell en puissance - qui aura tôt fait de recrotter votre intérieur cuir une fois qu’il y aura déposé ses bottes Aigle et les mottes de boue qui y sont inévitablement accrochées en ce mois de novembre -, vous aurez la fraîcheur d’un gardon et serez prêt à vous ruer sans plus attendre chez Madame Moustache ou chez Mr Wong, pour une folle soirée bobo ? Oui, j’avoue, j’ai du mal à comprendre cette phobie du vendredi qui semble frapper le trentenaire, surtout lorsqu’il devient parent. La semaine passée encore, j’ai vécu un grand moment de solitude adulescente alors que je tentais de composer un petit groupe festif pour participer à la désormais culte God save the 90’s . Je pensais susciter enthousiasme et cris de joie chez les destinataires de mon mail à la réception de celui-ci, et qu’est-ce que je reçus à la place ? Oui, qu’est-ce que je reçus, Madame ? Des excuses. Par milliers. Un flot d’excuses. Une chiée d’arguments à faire tomber la toge du plus véreux des avocats. « Non Perrine, je ne peux pas, je suis en weekend en Alsace avec la famille d’Arnaud - « Tu l’as toujours pas largué ce plouc ? », « Non Perrine, je ne peux pas, ma babysit est en blocus. »  - « Et les grands-parents, c’est pour les chiens ? » , « Non Perrine, je peux pas rater 50 Degrés Nord, on y parle de la pièce de l’ex de la sœur de mon prof de tennis…. » - « Tu sais qu’aujourd’hui on peut encore enregistrer des émissions à la télé ? Tu peux même les voir sur internet. Et puis c’est pas comme si 50 Degrés Nord ça passait pas 23 fois par nuit » - « Non Perrine, tu comprends pas, enfin non, tu comprendrais pas. – « ? ? ». Mais les pires excuses sont encore celles qui sont sincères. Celles qui émanent de personnes courageuses qui ne se cachent pas lâchement derrière les membres de leur famille pour ne pas avoir à avouer leur absolu flantisme de trentenaire. Je reformulerais même : les pires refus sont encore ceux émis par ceux qui n’ont pas d’excuse, à part celle d’être mou du genou. Mais ça a le mérite d’être honnête, et assumé. « Ah non hein, moi, le vendredi, j’suis naze, un bain, une bouillotte et au lit. Mais on peut se faire une raclette samedi si tu veux. » – « Oh yeah, j’amène le Riesling et la tarte au flan. » Même Monsieur Hulot me laisse tomber : « Perrine, tu vis trop dans le passé, espèce d’enfulte malsaine. » Tant pis, j’irai à la soirée Nineties…. Avec la babysit. Et tant pis si elle était pas née à cette époque.