dimanche 3 novembre 2013

Episode XXIV : How I met your mother


1985. Le jeune Nicolas s’enquiert auprès de son père de la rencontre de celui-ci avec sa mère. Son père se pose un instant à ses côtés, sur le grand canapé de velours côtelé.

« Et bien….. Je dois dire qu’il m’a fallu faire preuve de patience. De beaucoup de patience….. Ta mère et moi nous sommes rencontrés pour la première fois sur les bancs de l’école primaire. Enfin, façon de parler. Car à l’époque, l’enseignement n’était pas mixte. Le seul jour où nous, les garçons, avions le droit de croiser le regard des filles et se laisser envoûter par leurs petites jupes plissées, c’était celui de la rentrée des classes…… »

2035. Le jeune Arthur demande à son paternel comment il a rencontré sa mère. Son père ne répond pas tout de suite. Arthur lui repose la question, appuyant cette fois sa requête d’une légère tape sur l’épaule de l'interlocuteur absent avec qui il tente d'entrer en communication. Son père décolle alors ses rétines de l’écran de sa tablette, et rejoint son fils sur le canapé Ektorp du salon.

« Et ben….. Tu sais, avec ta mère ça s’est passé assez rapidement. Il faut dire que ça faisait des années que j’étais célibataire, et ça me convenait très bien comme ça. Je m’en tapais des meufs à l’époque, j’en profitais bien, et je n’avais aucune envie que ça change. Jusqu'au jour de mes 30 ans, où je suis foutu à la porte de ma chambre par tes grands-parents. Comme vivre seul me fout les boules, la première chose que je fais est de m'inscrire sur Meetic, un site de rencontre sur Internet en vogue dans les années 2000. Cinq minutes plus tard, ma messagerie clignote. Dans ma boîte, le message d’une bonne femme qui semble plus qu’intéressée par mon patrimoine….. » ………

…….. « Ce jour-là, nos regards se croisent l’espace d’un très court instant. Nous nous trouvions à même hauteur, dans les rangs respectifs que nous formions pour entrer dans la grande salle où devait se donner le discours de bienvenue du directeur. Elle côté filles, moi côté garçons. Du haut de mes 12 ans, je tombe littéralement sous le charme de son sourire mutin. Puis son rang avance, et elle avec. Je ne la reverrai plus pendant des mois. »…….

« La fille, Brenda, 85-70-90, lifecoach de profession, passionnée par le VTT, le scrapbooking et les vidéos de chat ; possédant un bichon maltais et deux perruches ; intolérante au lactose et souffrant de prurit par fortes chaleurs, me donnait rendez-vous le soir même au resto. A l’ancienne, mais pourquoi pas. J’espérais que ce romantisme légèrement vintage dissimulait une braise qui en demandait qu’à s’embraser à mon contact. Je peux te dire que j’ai été vite refroidi. La photo Instagram qu’elle avait utilisée pour son profil lui donnait dix ans de moins. Et quand tu sais que ce soir-là, il faisait dans les 30 degrés, je te laisse imaginer le triste tableau qui m’attendait à une table de La Sœur du Patron »……

« Tous les jours pourtant, alors que je longeais le mur de la cour de l’école des filles pour rejoindre celle des garçons, je la devinais. Je croyais distinguer son rire parmi le gloussement généralisé qui s’élevait derrière les murailles de cette forteresse. Je jubilais à la pensée que je respirais le même air qu’elle, et à l'idée que quelques briques seulement nous séparaient l’un de l’autre. »

« En plus, c’est pas comme si cette cruche avait quelque chose à me raconter, en tout cas que je ne savais déjà. J’ai passé ma soirée à zyeuter mon IPhone, jouant discrètement à Candy Crush sous la table. A un moment, elle reçoit un appel, et se casse aux chiottes. Ou alors c’était une excuse bidon pour aller éponger sa peau suintante. C’est à ce moment là que je reçois une alerte Facebook. Un reminder « événement » qui me rappelle que la fête chez Colin commence dans 20 minutes. »

« Puis le temps des grandes vacances arriva. Je crus tressaillir ce jour heureux où je la croisai dans le parc communal. Elle était là, sur un banc, à lire un roman d’Alexandre Dumas. Elle avait troqué son uniforme strict contre une mini jupe à la limite de l’affriolant. Cinq minutes plus tard, sa mère la rejoignit, et l’emmena hors de mon champ de vision. »

" J’essaie de fuir à l’anglaise mais Brenda reéapparaît par l’embrasure de la porte des toilettes, repoudrée, rebrushée, voire remanucurée. La carte des desserts étant fort heureusement peu compatible avec son intolérance au lactose, notre rancart se termine là. Je la plante sur le trottoir. Un œil sur Facebook en rejoignant ma bagnole : cette dinde m’a friendrequesté il y a dix minutes. Autant dire : sur le pot. Je rejette sa demande d'amitié. »

« J’appris quelques semaines plus tard, de la bouche d’une commère qui avait établi ses quartiers sous le grand châtaignier du parc, qu’elle avait déménagé dans le village voisin. Autant dire : au bout du monde. La rombière m’apprit également que l’objet de mon désir rejoindrait à la rentrée un internat pour jeunes filles, à une trentaine de kilomètres d’ici. Comment allais-je faire pour la recroiser ? De quelles astuces allais-je devoir user pour apercevoir à nouveau ses délicieuses gambettes ? Et quels exploits physiques allais-je devoir accomplir pour parcourir la distance qui me séparait toujours plus d’elle ? »

« Je débarque chez Colin. La soirée est déjà bien entamée, les gens aussi. So swag. Je retrouve des potes, on cause au bar en s’enfilant des grandes pils. On mate un peu, mais y a pas grand chose de propre dans le coin. Tout juste une ou deux hipstafashionistas qui font des selfies avec leurs IPhone. Quand tout à coup, je l’aperçois !! »

« Je finis par trouver dans le botin l’adresse de son internat. Je lui envoie une carte postale de notre village. J’ai peur de passer pour un ringard ».

« Elle est là, semblable à toutes les autres, et pourtant différente. Peut-être parce qu’elle me regarde. Peut-être parce qu’on porte la même IceWatch orange. Je m’avance vers elle, je vais la pécho, c’est sûr. Je me faufile à travers la foule, bravant la sueur d’aisselles inconnues que je dois pourtant effleurer pour tenter d’atteindre l’objet du désir….. que je vois disparaître dans un taxi. Comment faire maintenant ? Merde !! »

« Elle me répond. Elle est touchée par mon geste. Elle se demandait quand j’allais enfin lui déclarer ma flamme. Notre correspondance secrète durera pendant l’entièreté de nos études secondaires. A une de ses missives, elle joindra une photo. Son portrait ne quittera jamais mon portefeuille. Je la regardais à chaque coup de blues, me languissant de ses tâches de rousseur auxquelles le cliché monochrome ne faisait pas honneur. »

«  N’écoutant que mon courage, je me connecte sur Facebook. Je suis taggué sur une photo de la soirée de Colin. Bord cadre, un avant-bras arborant une IceWatch orange est également taggué. Je la tiens !! »

« Le premier jour des grandes vacances qui suivent la fin de notre rhéto, je reçois une carte postale. Elle m’invite chez elle le weekend prochain, pour rencontrer ses parents. Pendant une semaine, je ne dormirai pas. »

« Un tour sur sa page Facebook, Foursquare  m’indique qu’elle se trouve dans le nouveau bar qui vient d’ouvrir dans le centre ville. Je saute dans ma caisse, j’encode l’adresse dans le GPS, je débarque dans le café, où je l’aperçois au bar avec deux de ses copines.»

« La rencontre avec ses parents se passe pour le mieux. Même s'ils nous collent aux baskets toute la journée, et toutes celles qui suivront ce premier rendez-vous. »

« Je la rejoins. Je n’y vais pas par quatre chemins, et lui dis texto qu’elle m’intéresse. Elle le prend bien. On boit quelques coups, on s’détend. Elle me dit qu’elle adore la chanson qui passe. WTF? Jamais entendu cette daube. Je shazamise en schmet le morceau. Quand je lui sors le nom du titre, elle me sort le grand jeu. Pour ne pas dire : elle me roule une pelle. Bien ouèj non ? »

« Au fil de nos rencontres sous haute surveillance, on apprend à se connaître, on s’amuse de tous nos points communs. »

« Comme il ne faut pas crier victoire au premier patin, j’use de toutes mes ficelles de vieux briscard de la love. Histoire d'être sûr de la ramener dans mon lit. Prétextant un besoin urgent de pisser, je me replonge dans les méandres de sa page Facebook. Un tour sur les mentions "J’aime", et je nous découvre des atomes crochus. Enfin un: on aime tous les deux Stromae. Mais cinq minutes me suffiront à me convaincre que je partage tous ses autres intérêts. »

« Au bout de deux ans, je dus bien me rendre à l’évidence. Je n’arriverais jamais à conclure avec ta mère si je n’en demande pas l’autorisation à son père. Vêtu de mon plus beau costume, après avoir parcouru la campagne à vélo, je frappe à la porte de la maison familiale pour aller demander sa main au pater familias. »

« C’est notre passion commune pour la littérature américaine qui finit donc de convaincre ta mère de passer la nuit avec moi. Le lendemain, elle officialisa notre relation sur les réseaux sociaux. 35 secondes plus tard, son père lika l’info, suivi de sa mère, 12 secondes après. »

« Nous nous mariâmes l’année suivante et ton frère vint au monde neuf mois après notre union. Ta sœur suivit deux ans après et tu pointas le bout de ton nez l’année suivante. Voilà fiston, tu sais tout. »

« A 27 ans, ta mère était encore étudiante. Elle s’apprêtait à partir en Erasmus au Mexique pour un an. On entretint une relation par Skype jusqu'à son retour, où l'on décida qu’il était temps de s’engager officiellement. On prit un appart ensemble. Malgré tout, on resta assez indépendant. On avait envie de profiter avant d’avoir des enfants. Tu es né huit ans après notre emménagement. Puis on a fait ton petit frère sur le tard. Voilà fiston, tu sais tout. »





dimanche 25 août 2013

Episode XXIII : Reconnaître une MILF : Les 7 signes qui ne trompent pas.


Petit descriptif à l’attention des hommes à qui une « mother », loin d’être - comme son nom l'indique pourtant - « fuckable », fout au contraire les chocottes. Cette jeune caille qui se dandine sur le dancefloor est le sex appeal incarné ? Impossible de l’imaginer avec des mouflets ? Trop confiante en la vie pour songer qu’elle aurait déjà vécu un accouchement ? Prenez garde, jeunes dindons, prenez garde….par définition, la MILF ressemble à ses consoeurs qui n’ont jamais connu la parturition (ou l’adoption), pour qui les mots épisiotomie, gerçures de têtons, ou rééducation périnéale n’évoquent pas grand chose de plus qu’à vous. Sans entrer dans des considérations anatomiques trop douteuses, voici quelques signes qui vous permettront de reconnaître la MILF au premier coup d’œil, des fois qu’une célibataire d’entre elles sur qui vous avez des vues, tenterait de vous cacher ce petit détail…..:


1° Qu’elle soit rondelette ou qu’on ait envie de lui proposer des jattes de riz au lait pour qu’elle se « renchairisse », une MILF a toujours un petit bedon. Un bas ventre quelque  peu convexe, pour un maximum de complexes (au grand bonheur des marchands de collants gainants). Tout au moins, cette partie de son anatomie conserve quelque indice qu’un individu l’a squattée pendant 9 mois : vergetures disgracieuses, nombril récalcitrant, et pourtour de celui-ci cabossé façon boardercross. Et même si son bide s’en sort indemne, la MILF aura l’impression qu’il constitue désormais une relique, à conserver à l’abris de la lumière du jour et, surtout, des regards potentiellement médisants. Cette divine créature qui pavane au bord de la piscine a opté pour le maillot une pièce ? Pire, elle porte le maillot Chevignon à fleurs fuschias de l’été 1998 ? Vous avez bien affaire à une MILF.

2° Ca y est, vous êtes sur le point de conclure, alors que vous dansez un slow chaloupé sur Runaway Train  dans une soirée 90’s (ben oui, où d’autre danser un slow que dans une soirée 90’s?). Au moment où vous vous lovez sous la chevelure de votre partenaire, quelque chose vous titille, ou plutôt, titille votre narine. Au milieu des effluves Mademoiselle, vous distinguez très nettement une légère arrière odeur surette qui vous rappelle le porridge qu’on vous servait au camp louveteau. Vous ouvrez les yeux et remarquez, sublimée par les lights, une tache blanche suspecte sur son épaule. Et oui, une MILF a souvent un peu de régurgit aux alentours du décolleté. Ne soyez pas dégoûté, elle l’est déjà assez elle-même. C’est juste un truc contre lequel la MILF qui a un enfant en bas âge ne sait rien faire. Même en sortant nickel de chez elle, la trace de régurgit réapparaît comme par enchantement au moment où la MILF réintègre la société.

3° Au moment de payer l’addition lors d’une soirée envoûtante au resto, la MILF, féministe refoulée, plonge la main dans son sac dans l’espoir d’y trouver son portefeuille. Durant cette longue fouille, vous avez l’occasion d’apercevoir une paquet de lingettes, un pass annuel pour Pari Daïsa ou une carte de fidélité de chez Hema? Fuyez par la fenêtre des chiottes : il s’agit bien d’une MILF !!

4° Alors que vous souhaitez é/ap(p)ater votre nouvelle conquête lors d’une virée shopping, lui proposant un petit tour au H&M le plus proche, éventuellement au rayon lingerie sur un malentendu, vous êtes frappé par l’intérêt que porte votre plan love au rayon enfants. Si elle en ressort avec des petits bodies Spiderman, empruntez l’escalator le plus proche et barrez-vous au Mexique. Encore une fois, il s’agit d’une MILF.

5° Amatrice de grand divertissement et d’étalage de culture, votre nouvelle gonzesse ne résistera pas à votre invitation à participer au grand quizz de votre bled. Vous maîtrisez la catégorie 90’s (évidemment), tandis qu’elle fait péter les scores dans la catégorie Disney ? Saoûlez-vous, parce que celle qui connaît les paroles de Sous l’Océan par cœur ne peut être qu’une enfulte ou….une MILF. Et ouais.

6° Ca y est, vous avez décidé de présenter vos potes à votre nouvelle copine. Alors que vous entamez votre première pils au Café Central, la jeune Sophie commence à se tortiller sur sa chaise. Telle Cendrillon, elle disparaît sur le coup de minuit. Pas de doute, la babysit bave déjà sur le canapé depuis une heure, devant Ushuaïa Nature. Si vous tenez à votre MILF, espérons qu’elle aie perdu sa pompe dans la course.

7° Soirée hot en perspective. L’envoûtante Francesca vous a invité chez elle et, après un bref repas, vous attend sur son lit avec, en guise d’accompagnement musical, la playlist de son IPhone. Alors que vous la basculez sur sa couette, la voix de Cat Power laisse la place à Lili et les Déménageurs et ses frétillantes sonorités musettes. Les culbutes, c’est pas pour ce soir. A moins de remiser vos principes au placard, et de passer une nuit torride avec….une MILF!!

dimanche 14 avril 2013

Episode XXVII : Y a des mamans à poux, y a des mamans pas à poux….


Le pou est dans la bergerie

Comme je vous l’ai déjà fait constater au cours de précédents épisodes, un petit mot dans un cartable est rarement porteur de bonnes nouvelles. J’en veux une nouvelle fois pour preuve le  « communiqué » découvert dans la farde de la petite Oompa Loompa il y a de cela trois mois. Dans un style légèrement alarmiste, façon annonce de l’invasion martienne par Orson Welles sur les ondes en 1938 – ALERTE AUX POUX !! - le billet nous informe de la découverte de quelques uns de ces êtres parasitaires sur une de nos têtes blondes, qui préfère garder l’anonymat. Si le message est percutant, il n’en est pas moins concis. L’information n’est en effet suivie d’aucune recommandation, ni d’aucun type de précaution à prendre. Genre : tout bon parent qui se respecte, toute mère digne de ce nom, connaît la marche à suivre en pareille circonstance. Les autres n’ont qu’à se démerder, poser la question autour d’eux, quitte à provoquer chez leurs interlocuteurs un légitime sentiment de dégoût. Mais oui, mais quoi ? Je n’y peux rien moi, si je n’ai jamais eu de pou, et il faut bien une première fois !!  Je me rappelle alors les paroles de ma mère, qui aime toudi me conter les souvenirs d’une enfance vécue dans les années d’après-guerre. « Moi, à mon époque, quand on avait des poux, on nous rasait l’crâne !! », me lança-t-elle un jour avec cette fierté, voire cette pointe d’arrogance, dont peuvent faire preuve les babyboomers, comme s’ils étaient nés en des temps préhistoriques. Jugeant certes cette mesure pas très 2013 et un peu radicale alors que ma fille bénéficie encore de la présomption d’innocence, je décide qu’il sera encore temps d’aller consulter des grands forums sur internet une fois que j’aurai la preuve qu’elle abrite illégalement de pareilles bestioles.


Ca a quelle tronche, un pou ?


C’est à ce moment que Monsieur Hulot franchit la porte d’entrée. Dans un ton raccord à celui du billet, je lui annonce la terrrrrrible nouvelle quant à la potentielle maladie honteuse de ma fille. Il me rassure tout de suite : « Mais tu sais, de toute manière, y a pas de mal hein, les poux, ça aime les cheveux propres…… ». Ravalant alors la phrase que j’allais commencer - soit que j’étais d’autant plus affligée que moi-même n’avais jamais eu de poux - je somme le Professeur Es Arthropodes de s’attaquer lui-même à la fouille capillaire de nos fillettes. Ben oui, si je sais à quoi ressemble une tique (étant petite, je collectionnais dans un vivarium celles arrachés au vieux Nestor, le zinneke de la famille), si je visualise bien la gueule d’un ténia (Spielberg s’en est inspiré pour créer E.T.), je n’ai aucune fucking idea d’à quoi peut bien ressembler un pou, ni de ses dimensions, que je devine indécelables à mon œil nu, rapport à mon hypermétropie. Monsieur Hulot est de bonne volonté mais voilà, comme nous n’avions jamais eu à faire face à ce genre d’incident, nous ne disposions pas encore de l’artillerie anti-poux. C’est donc à l’aide d’un peigne tout ce qu’il y a de plus classique que nous nous attaquons à la crinière de nos lionnes. Après 45 minutes de démêlage, nous voilà rassurés. Pas la moindre trace de corps étrangers dans la tignasse de notre progéniture.

Sauf que….

Deux jours plus tard, alors que nous pensions cette histoire réglée et reléguée au rang des traumatismes passés, v’là-t-y pas que je constate, en coiffant ma jeune Padawan au saut du lit, la présence de petits boutons rouges dans son cou. So suspect et pourtant, le franc ne tombe pas. Ce n’est qu’au moment où je surprends sa petite sœur en train de se gratter frénétiquement le cuir chevelu – est-ce pour ça qu’elle fait entrer plus de ChocoPops dans ses narines que dans sa bouche ? - que je comprends.  Rapide coup d’œil à l’horloge : merde, plus le temps de passer en revue les deux chevelures de mes filles qui, entre parenthèses, n’ont rien à envier à celle d’une Raiponce qui aurait été privée de peigne pendant ses 18 ans de détention, voire de Crasse-Tignasse* - pour la plus jeune. Tant pis, je vais tenter le tout pour le tout, et nier l’affaire.

Arrivée devant la porte de la classe, je frissonne. Obstruant totalement le passage, façon douane volante, la déléguée des parents de la classe filtre les arrivées.

 « - Perrine, bonjour !! Comment ça vaaaa ? 
 - Salut Déborah !! Bien et toi ? 
- Dis, tu as vu le mot dans la farde de ta fille début de semaine ? Tu as vérifié si elle avait des poux ? 
-  Ben je…. 
  - Non, parce que, il y a déjà le petit Corentin qui en a eu 5, Justine en a bien eu 7, Léa est bourrée de lentes….», énumère la chef de la milice locale avec une exhaustivité qui ne manquera certainement pas de me mettre en retard au boulot. Je ne sais que dire. Je panique. Et mens par omission. « - Non écoute, j’ai rien vu en tout cas. » « - MMMMMMM…. », marmonne l’œil de Moscou, en scrutant de derrière sa troisième paire gratuite d’Afflelou, le haut du crâne de la petite Oompa Loompa qui, pour la première fois depuis son entrée à l’école, arbore un grand bandana qui dissimule la moitié de ses cheveux. 
«- En tout cas, si ça continue, sache que je passerai toute la classe au peigne fin…. Quitte à en mettre certains en quarantaine !! »

A peine arrivée au boulot, je saute sur mon téléphone, et appelle mes consultantes en matière de problèmes liés à l’enfance : sœurs, belles-sœurs, meilleures potes.  Et ne manque pas de me faire traiter d’inconsciente.

Sœur 1 : « Quoi ? Tu ne leur as pas encore fait un shampooing ? Fonce chez la pharmacienne acheter des litres de Shampou. Lave les cheveux de toute la famille aujourd’hui, et refais un shampooing dans quatre jours….. »
Sœur 2 : « …..et passe le peigne anti-poux tous les soirs, c’est le plus important….. »
Amie 1 : « …. Essaie les huiles essentielles, c’est radical….. »
Amie 2 : « …..Non, pas besoin de dépenser des fortunes, traite-les à l’huile d’olive, ça marche super bien….. »
Sœur 2 : « ….. Le peigne, le peigne, le peigne….. Deux fois par jour. Pendant un mois…. »
Belle-sœur 1 : « Et lave les brosses, la literie, change les draps, mets un essuie sur leurs oreillers…. »
Belle-sœur 2 : « ….. sans oublier de laver les sièges auto, les bonnets, les écharpes, les cols de veste…. »
Sœur 2 : « Le peigne, Perrine, LE PEIGNE !! »
Sœur 1 : « Oui parce que ça tue les poux, mais pas les lentes…. »
Belle-sœur 1 : « Je me suis battue pendant 4 mois avec les poux !! »
Amie 1 : « …Brûle tout !! Déménage !! Change de vie !!..... »
Sœur 2, une pointe de sanglot dans la voix: « Et encore…. Tu n’as pas encore connu les vers….. »


Clong. Je raccroche. Non mais quoi ? C’est des enfants que j’ai moi, pas une meute d’épagneuls bretons. Comment c’est possible d’en arriver là ? Et puis comment je vais faire moi, logistiquement ? Je vais pas prendre un mi-temps pour venir à bout de quelques inoffensives petites bêtes? Parce qu’à part causer quelques gratouilles, quels chefs d’accusation pouvons-nous avoir contre elles? C’est pas pire que d’élever des mygales ou des bébés alligators, si ? Et que devrais-je sacrifier alors ? Mes cours de cirque ? Mes sorties avec Madeleine de Proust ? Ma vie de couple ?



Perrine Pou

Trois mois plus tard. Je suis à pou. Certes mes filles ont pu continuer à fréquenter leur établissement scolaire, mais à quel prix. Car oui, il est bien question ici de prix. A 18 Euros le flacon individuel, achat répété au moins cinq fois au cours des dernières semaines, j’ai pu faire une croix sur ce weekend à Madrid que j’avais projeté de faire avec Madeleine de Proust. A chaque fois que je pensais être débarrassée de ces parasites, bam, les lentes refaisaient leur come-back, assurant la filiation et la pérennité de la race au sommet des crânes de la famille. Pas de doute, si un jour le monde est décimé par une catastrophe nucléaire ou naturelle, la terre sera alors dominée par les poux. Pendant trois mois, j’ai fait des cauchemars dignes des plus grands films de Cronenberg où Monsieur Hulot venait me grignoter le cuir chevelu à l’aide de mandibules géantes. Pendant trois mois, nous avons vécu en quarantaine, refusant soirées festives et autres sauteries, pour nous consacrer exclusivement à la lutte anti-poux. Nous avons perdu quelques amis. Le jour où je me suis mise moi-même à me gratouiller le cuir chevelu, c’est joie de vivre et amour propre que j’ai alors perdus, après que Monsieur Hulot m’ait déniché un indésirable, planqué entre deux cheveux blancs. « Chéri, tu me fais les poux ? », me suis-je un jour surprise à lui lâcher, avant que cela ne devienne de l’ordre du quotidien, tel que cela se passerait dans une famille de bonobos. Des enfants qui ont des poux, c’est déjà pas top glorieux, mais un adulte, quel trauma, quelle honte suprême. Pensez bien que je n’osais plus sortir, au point d’hésiter à me faire une coupe à la Sinnead O’Connor, pour retrouver un semblant de vie sociale et un peu de glamour. Mais bon. Cette histoire nous a rendus plus fort, quelque part. Cela nous a soudés. Alors, avec ce léger syndrome de Stockholm dont je souffre aujourd’hui, je serais presque prête à en revendiquer les bienfaits, et à réclamer haut et fort : « Rendez-moi mes poux !!** ».