Oups. Et voilà que j’ose enfin aborder le sujet qui fâche. La corde
sensible de mes semblables. Et pourtant. Cette problématique ne peut être
éludée sur ce blog. Car il faut être lucide : parmi la grande masse des
parents issus de la génération Y présente sur les réseaux sociaux, dont votre humble rédactrice fait partie, on
peut relever bon nombre de comportements récurrents, qu’on trouvera tantôt mignons, cute, loooooollll ou adorap’;
tantôt horripilants, crispantissimes,
voire écoeurants. Selon que l’on se trouve du côté des parents ou des
non-parents. Du côté clair ou du côté obscur de la force trentenaire, quoi. Ah
mais non hein, ne vous indignez pas ! Je sais que la mode est à la
susceptibilité outrancière, mais il faut bien le reconnaître : nous, parents
adeptes de Facebook, on peut être à nos heures franchement pénibles. Des
boulets. Des plaies. Oui, de véritables plaies, dégoulinantes de pus
bien-pensant. Quoi ? Vous voulez vous désinscrire de la communauté Perrine
Pan ? Vous êtes fâchés sur moi ? Ne le soyez pas, je plaide moi-même coupable,
je fais toudi l’même. Et non, je n’ai pas été soudoyée par le Comité de Défense
des Droits des Non-Parents. Non, ce n’est pas lui qui a financé cette nouvelle
étude sociologique. Mais je pense à ses
nombreux membres qui, non-contents de voir leur fil d’actualité floodé
quotidiennement par des centaines de clichés de sourires édentés et de têtes
blondes, façon Village des Damnés, se
doivent en plus de liker et de commenter chaque publication ayant un rapport
avec la progéniture de leurs contacts, au risque de se voir cloués au pilori
pour cause de froide indifférence au monde merveilleux de l’enfance. Pourtant,
on ne leur demande pas grand-chose, aux non-parents. C’est pas comme si on leur
exigeait de faire preuve d’originalité. Un « Oooooh
trop chou !! », un « Comme
il a grandi, dis !! » ou autre « C’est sa maman tout craché !! », voire un smiley
ou un petit cœur, suffiraient amplement. Ben non. Cette égoïste personne
sans enfant n’est pas non plus foutue de réagir à ce statut de la plus haute
importance. Incapable de la moindre empathie, qui voudrait normalement qu’elle s’emballe à l’idée que le petit Oscar a pour la première fois fait caca dans le petit
pot. Mais elle ne peut pas comprendre, elle ne peut pas s’identifier, c’est
normal….elle n’a pas d’enfant. Mais je vous parlais d’une étude comportementale,
la voici. Elle comporte 5 points :
1° Le parent facebookeur aime la
photo. Non, en fait, il n’aime pas la photo, il aime ses enfants. Peu
importe le moyen de les représenter. Au moyen-âge, il aurait payé une pêche en
portraitistes pour couvrir les murs de sa demeure de toiles à l’effigie de ses
marmots. Mais il bénit le ciel d’être né à l’ère Zuckerberg histoire de pouvoir
partager ces représentations au plus grand nombre, et ce pour pas un balle -
C’est gratuit, et ça le restera toujours. Il remercie aussi les concepteurs des
smartphones et d’Instagram, qui
augmentent considérablement la vitesse de diffusion des clichés, et le capital
sympathie de leurs enfants. Bien sûr, il
fait c’qu’il veut : il est pour l’instant le seul détenteur du droit à
l’image de son enfant. De toute manière, celui-ci n’est pas au courant de
l’existence de ces dizaines d’albums consacrés à lui sur les réseaux sociaux
et, quand bien même, il n’aurait pas encore les facultés langagières pour
manifester son mécontentement. Ou son contentement. Car à 13 ans, quand il sera
en droit de créer son propre compte, il n’aura qu’à reprendre celui que ses
parents ont créé pour lui à sa naissance (v. point 2), et développera ainsi de
manière exponentielle la part de narcissisme que possède tout bon utilisateur de
Facebook.
2° Le parent facebookeur est
pressé. Vous allez me dire : les réseaux sociaux sont régis par la loi
de l’instantanéité. Oui mais bon, y a des limites quand même. Est-on vraiment
obligé de découvrir à 14h16 le minois du petit Apollin né à 14h12 ? Est-ce
que ça ne peut pas attendre un peu? Et, de manière plus générale, les
photos de la maternité doivent-elles vraiment être partagées au plus grand nombre ?
Combien de pauvres femmes ont eu à leur insu la photo de leur faciès certes
radieux, mais surtout transpirant et bouffi, publié sur Facebook a peine
le dernier fil de l’épisiotomie posé - ça y est, j’ai perdu les deux
derniers lecteurs -, par un papa un peu trop geek, par un oncle un peu saoul,
ou par la femme du collègue du parrain un peu trop commère ? A quand le
suivi en live de l’accouchement sur la page du fœtus ? Oui, parce
qu’aujourd’hui, il est également de bon ton de créer une page pour son enfant,
si possible dès avant sa naissance, voire sa conception. On n’est jamais trop
prudent, des fois que l’espace de stockage serait un jour atteint sur Facebook et qu’on
ne pourrait plus y créer de nouveaux comptes….
3° Le parent facebookeur est
écolo. Plutôt que de dépenser argent et papier dans des Journal de mon enfant et autre Le livre de mon bébé, il préfère faire confiance
à la mémoire numérique. Avec une minutie et un souci d’exhaustivité presque
pathologique, il relate sur son wall les moindres faits et gestes de son bambin,
qu’il formulera tantôt de la manière la plus plate – mais qui aura néanmoins le
mérite de refléter la relative importance de l’événement – Plus de langes pour Julia la nuit ! – tantôt de manière
romanesque et lyrique – Tellement fier de
sa princesse, qui a franchi un cap décisif cette nuit, en épargnant le matelas
de sa couche de jeune fille ! Son profil ne sera plus qu’une
succession de statuts médicaux, parfois à tendance scatologiques, reléguant
désormais au rang de ringardise inutile le carnet de l’ONE remis à la
naissance. Une fois le cap de la petite enfance franchi, le parent facebookeur
pourra se projeter à travers sa progéniture, et relater avec fierté les
exploits jamais accomplis par lui-même dans des domaines tels que le sport,
l’art ou les études.
4° Le parent facebookeur est
paradoxal. Voire borderline. Tantôt il s’émerveille des progrès de son
enfant – Ca y est, Myrtille a dit son premier mot ! – (Il était temps,
à 21 mois), - ou de sa nouvelle vie de parent – De retour à la maison pour un peu de tranquillité en famille -, tantôt il se sert des
statuts facebook comme d’exutoires à une vie de parent tellement difficile – Mais putain, qui va faire taire ce
gosse !! – Encore réveillé trois fois cette nuit par ce petit braillard !!
– Et ce n’est pas la seule contradiction qu’il compte à son actif. Ainsi,
s’il semble passionné par tout ce qui a trait à la petite enfance, il se fiche
finalement peu de ce qui concerne la petite enfance…. hors de son foyer. S’il
consulte les profils d’autres parents, c’est surtout dans un souci de
comparaison visant à le rassurer sur la bonne évolution de son rejeton. Enfin,
le parent facebookeur passe tellement de temps à parler de son enfant sur
Facebook, qu’il en oublie de parler avec son
enfant, dans la vraie vie. (V. Episode XVII: les 10 commandements de la mère
indigne).
5° Le parent facebookeur aime le
placement de produit. En tout cas, il peut devenir le pire suppôt de la
société de consommation, alors qu’il échange avec d’autres parents des bons
filons sur les accessoires liés à la petite enfance, du biberon anti-régurgit
au centre commercial de déstockage où trouver du Petit Bateau à bas prix, ou qu’il organise des achats groupés de
bodies en coton 100% bio, avec d’autres parents soucieux de l’environnement.
Après, il se plaint d’être envahi de publicités en marge de sa page Facebook.
Mais bon voilà, on n’y peut rien. Ils sont tellement beaux et hors du commun, nos enfants, qu’on ne peut s’empêcher de le faire constater par nos (plus ou moins) proches !!
Allez, l’heure du mea culpa a sonné. Et puis, quand ce sera leur tour, aux non-parents, ils
comprendront….