C’est Lou-Anne qui la première m’a parlé de ce
concept désormais très bobo des abonnements aux paniers-bio, Lou-Anne dont l’acte le plus
écologique qu’elle ait posé de mémoire est d’avoir offert La Terre vue du Ciel à sa mère à
la Noël 2004. « Ouais franchement c’est un truc à faire » me
disait-elle il y a quelques semaines en imprimant recto-recto l’ensemble de ses
extraits de compte de l’année 2011 sur du papier blanc 160 grammes. « Mais ce qui est encore mieux, c’est
de rejoindre un GAS…. - regard de rollmops frit de ma part – mais ouais, un Groupe d’Achats Solidaires quoi, on se regroupe par consommateurs et
on achète des légumes bios directement à l’agriculteur, ce
qui permet d’acheter moins cher et de rétablir une consommation plus
humaine. » m’explique-t-elle avec autant de crédibilité qu’une Marine
Le Pen qui tenterait de convertir à l’Islam un de ses militants. « Je te jure, Perrine, c’est super, tu
vois, le goût de la tomate, tu le sens vraiment, rien à voir avec ces tomates
insipides qu’on te sert dans ce genre de salades toutes faites. »
sermonne-t-elle en désignant mon assiette de tomates-crevettes en provenance
directe de la cantine. « En plus, tu
sais que tes crevettes, elles sont peut-être pêchées à Ostende, mais après
elles sont envoyées en Turquie pour épluchage et ramenées en Belgique pour la
vente, tu te rends compte ? » Ce qui me sidère, c’est davantage le fait que
Lou-Anne détienne ce genre d’information et la propage sous forme de bonne
parole, que l’affirmation en elle-même, dont tout téléspectateur qui se
respecte et qui a suivi le dernier Questions
à la Une est au courant. N’empêche, cela avait suffi à titiller ma
conscience judéo-écolo (si elle le
fait, je devrais le faire depuis longtemps, moi qui lui avais tout appris sur
le tri des déchets, les ampoules écologiques et les bienfaits du compostage. Comment n'avais-pas pu encore adhérer aux paniers bio? Quelle inconscience!!), du
moins jusqu’à ce que je franchisse la porte tambour de la rédaction et oublie
instantanément cette conversation surréaliste.
Mais cet événement eut tôt fait de me revenir en
mémoire la semaine passée, alors que je déposais ma jeune Padawan à l’école.
Une affiche aux valves attira mon attention : «Jeune parent cherche amateurs de produits locaux et bios pour
créer Groupe d’Achat Collectif à la Ferme de la Mulotte». Allez, je me
lance, pensais-je en arrachant d’un geste franc le papier prédécoupé où
figurait le numéro de téléphone de Michel, le prophète local de la consommation
citoyenne, avec la fierté d’une résistante qui aurait chassé de Belgique le
dernier soldat allemand. Lors de notre conversation téléphonique, Michel me remercie
de rejoindre sa bande de joyeux mangeurs de légumes authentiques, et me dit que
je recevrai le premier panier bio le lundi prochain. Hier matin, on sonne à ma porte
dès-potron-minet. Ayant complètement oublié cette info, je me demande qui peut
bien me déranger à une heure si
matinale. La tignasse emmitouflée dans un essuie de bain, j’ouvre la porte.
Personne. Je baisse le regard et là, je découvre un panier. Prise soudainement
d’angoisse en songeant que j’allais peut-être découvrir un bébé orphelin sous l’essuie
de vaisselle protégeant le contenu, je me calme instantanément en apercevant des
feuilles de carottes dépassant du contenant. De retour dans la cuisine,
je découvre ce que recèle ce premier numéro, décrit sur le petit carton qui
accompagne les produits. Première constatation : loin de mettre l'eau à la bouche, leurs noms font davantage
penser à des maladies (persil tubéreux, Claytone de Cuba (c’est local
ça ?), scarole, rutabaga). Me
demandant comment j’allais cuisiner ça et surtout le présenter à la petite
famille « Réjouissez-vous, je vous
ai préparé une bonne purée de Claytones de Cuba » ou « Ce soir, c’est poulet rôti et persil
tubéreux, Oh de la li !! » Je les imagine déjà en train de
pleurer à chaudes larmes devant leur assiette avant d’appeler l’ONE pour dénoncer cette
maltraitance et se faire confier à une famille d’accueil. « Mais tu comprends rien, ce sont des légumes
oubliés ! », m’expliquera plus tard dans la journée Lou-Anne. « Oui bon, mais si on les a oubliés,
c’est peut-être pas pour rien.», lui rétorque-je. « Tu verras, bien assaisonnée, une salade de rutabaga, c’est super
bon !! ». Le soir, je tentais l’expérience. Le nom a surtout fait
rire ma fille de 4 ans (avant de me demander si ça s'accompagnait de bouillon gras), elle a même eu l’air de trouver ça comestible, et n’a pas
réclamé pour aller vivre chez la voisine. Mais le plus dur reste maintenant à
faire : ne pas laisser pourrir le reste du panier pendant des jours dans
le fond du frigo, voire…. l’avoir consommé avant le prochain arrivage!!
j'ai vécu la même expérience avec un panier bio... pendant des jours j'ai ouvert mon frigo, regardé le légume dit "oublié" en espérant qu'il se mette à parler et me dicter une recette délicieuse dont il serait le principal ingrédient... il a fini par nourrir le compost... :) J'ai bien ri ceci dit en lisant tes déboires à toi! Valchat!
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