« Putain Perrine, mais qu’est-ce
tu fous bordel ?!», soit la réaction hystérico-distinguée de Monsieur
Hulot tout à l’heure en franchissant la porte de la cuisine, en même temps
qu’un nuage de fumée opaque, avant de m’arracher le casque Sennheiser que je portais sur les oreilles - casque démesuré
n’ayant rien à envier aux cache-oreilles en poils synthétiques que
j’affectionnais particulièrement dans les années 80: isolant, très isolant…. – et
d’aspirer de mes trompes d’Eustache les dernières notes de Walk des Foo Fighters que je vociférais en pianotant sur mon
clavier. « Oh chiiiittteeee!! Non,
non, noooon !! ». Et bien si : dans ce souci d’urgence qui
m’avait poussée -non ! - obligée, entre la mise au lit des Vedettes et la
mise au four du gratin de légumes, à m’intéresser sans attendre une seconde de
plus aux invitations Klout qui
encombraient ma page Facebook depuis 5 semaines, j’avais laissé cramer l’unique
plat de la semaine que je comptais cuisiner.
- « Et t’entends pas qu’y en a
une des deux qui braille ?? T’es tellement scotchée à ton PC que
t’oublies tout ce qu’il y a autour !! »
- « Alors, d’abord, c’est pas un PC,
c’est un MAC !! Et excuse-moi de me détendre un peu après 8h de boulot, et
puis si je mets un casque, c’est pour pas réveiller les filles, pas pour ne pas les entendre !! Et
ton gratin de légumes, tu peux te le….euh, le manger : ça suffira…»
Non mais alors quoi ? Parce qu’on est mère de famille, on devrait se
voir interdire tout accès à une connexion internet ou à un objet composé d’un
écran et d’un clavier ? De toute manière, je pense que pour toute une
partie de la population des jeunes parents, ce déni de technologie serait vain.
Postulat : pas besoin d’avoir été fringué dans les années 90 comme la
bande à Screech dans Sauvés par le
gong ! pour pouvoir affirmer avoir un lourd passé de nerd. Qui a
délaissé ses Tremplin et ses J’aime Lire pour se tourner vers le Commodore 64 de papa, avant de demander
sa propre console Atari, de la baquer
ensuite au profit de Mario, Luigi, Alex Kidd ou Sonic ; qui a rêvé pendant
des nuits de petits blocs s’imbriquant les uns dans les autres au son d’un
synthé islamisant horripilant (et qui est, dans mon cas, par ailleurs incapable
d’en faire de même aujourd’hui avec les Tupperware qui encombrent les tiroirs
de la cuisine), leur préférant finalement la PlayStation ou la XBox,
avant de s’ouvrir sur le monde fin des années 90 pour muter progressivement en gamer,
ne peut vivre sereinement loin d’un écran. Certes, certains hypocrites ou
inconscients ont fait vœu d’abstinence, pensant que manettes et autres jeux vidéo ne faisaient pas partie de la panoplie du bon père de famille, en tout
cas pas avant que le gamin ne soit en âge de jouer à la Wii, seule console qui sera tolérée dans le foyer (v. Episode XIII), avant de redevenir des hérétiques, un jour que Satan avait mis sur
leur route l’IPhone d’un collègue et ses nombreuses applications tentatrices
aux drôles de noms d’oiseaux. D’autres ont refoulé cette pulsion, et ne
comprennent pas pourquoi ils ont continuellement besoin de leur laptop, ni
pourquoi ils attrapent des sueurs froides dès qu’ils tombent sur La Dame de Pique ou Le Solitaire, au détour d’une pérégrination sur l’explorateur
Windows. Et encore, là, je ne parle que des jeux, je ne m’attarderai pas sur
les écrans de cinéma et de télévision, ni sur les BD ou autres médias old
school agrémentant l’univers du geek nineties.
Bon alors, ok, il m’est arrivé d’allaiter, de donner le bain, ou de faire
la cuisine la main sur le clavier (occupée que je l’étais par exemple à
retoucher des photos avant de les partager à la grande communauté indifférente
des internautes), ok, il m’est arrivé de consulter mes mails en conduisant, ma
messagerie pourtant à peine vidée et refermée au boulot, (dangereux vous
pensez ? Pas plus que de rouler une clop au volant….. Mais non, ça, ça ne
m’est jamais arrivé, enfin….), ok, je consulte mon profil Facebook 48 fois par
jour et ok, quand je pars en vacances, j’emporte ordi, appareil photo, caméra, disque
dur externe, clef usb, et si j’oublie de regarder si il y a micro-ondes ou
aspirateur, je n’omets par contre jamais de m’assurer que le lieu ait du réseau
WiFi. Mais me voir donner des leçons de morale par cet homme qui 10 ans
auparavant avait installé internet dans mon kot précaire, à grand renfort de
câbles qui auraient fait perdre le nord à Ariane, et en tout cas à mes
cokotteurs qui n’avaient rien demandé - et dont l’un d’eux a fini avec une
fracture du tibia après s’être pris le pied dans une des rallonges constituant
cette toile diabolique (tout un symbole…) -, par celui-là même qui aboyait à un
interlocuteur invisible des « Fire
in the Hall !!» et des
« Go !Go !Go !!! » et des « Derrière toi !! Derrière-toi !!!!!! » à tout
va en pleine semaine de blocus ou alors que je tentais de rédiger la conclusion
de mon mémoire sur mon vieux Compaq édition 1996 sur le bureau d’à côté, par celui-là même qui participait à des Lan avec d’autres geeks, qui en revenait
avec un vieux bout de pizza collé sur la joue, et qui s’endormait régulièrement
la tête dans un paquet de Dorito’s,
celui-là enfin qui jouait encore à Counter
Strike dans notre chambre alors que notre nouveau-né tentait en vain de
faire ses premières nuits, là….je dis non. Même si le résidu de nerd qui sommeille en lui
m’a quand même installé l’AirPort et
l’AppleTV, et que c’est aussi grâce à lui
si je peux blogguer peinard avec une connexion digne de ce nom…..
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