jeudi 15 novembre 2012

Episode XXV: Là où il est question du (parent) trentenaire, de son flantisme, de sa phobie du vendredi et d'une soirée 90's


Souvenez-vous. C’était il y a une quinzaine d’années. Vous étiez ado et mal dans votre peau. Toute la semaine, vous deviez vous farcir 7 heures par jour derrière les bancs de l’école. Alors le vendredi, c’était sacré. A moins d’avoir booké un baby-sitting, vous passiez rarement la première soirée du weekend devant la télé. Et il aurait fallu vous payer pour rester à regarder Apostrophes avec vos parents. Non, le vendredi, c’était soirée mousse à gogo, ou autre improbable message party.

Souvenez-vous, c’était il y a une dizaine d’années. Vous étiez étudiant et bien dans votre peau. Toute la semaine, vous étiez dans l’obligation de guindailler. Le lundi, vous vous rouliez dans la fange à la Jefke. Le mardi, vous vomissiez au Cesec. Le mercredi, vous rouliez des pelles aux soirées de l’Ihecs. Le jeudi, vous vous saouliez au ciné club de l’IAD. Alors, quand arrivait le vendredi, vous n’aviez plus qu’une seule aspiration: somnoler dans le canapé à côté de vos parents, en matant Thalassa.  


Souvenez-vous, c’était vendredi passé. Vous êtes aujourd’hui un trentenaire semi-bien dans sa petite vie. Toute la semaine, vous avez bossé. Mais pas que. Le lundi, vous avez conduit votre fils au judo et votre fille à son cours de danse. Le mardi, vous avez fait quelques heures supp’ avant votre séance de psy. Le mercredi, c’était piscine pour tout le monde. Le jeudi, vous vous êtes fait plomber une molaire chez votre vieux dentiste libidinal, avant de rejoindre, à la bourre, une réunion de parents. Alors, le vendredi, vous vous retrouvez avec l’énergie d’un cheval de trait pensionné et avec le même engouement pour la dancefloor que celui de Donna Martin dans l’épisode de BH où elle porte un déguisement de sirène au Bal de Promo. Vous êtes tellement soumis au dictat de votre filofax - oui, un filofax, c’est overnineties et c’est pour ça que vous avez toujours le vôtre, incorrigible nostalgique que vous êtes-, que même en matière de festivités, vous procrastinez. La débauche, ça sera pour demain. Oui, pour le trentenaire, le vendredi, ça pue, le samedi, c’est swag. Et ça ne lui laisse plus qu'un soir pour ses sauteries diverses et variées. 


Mais moi il faut qu’on m’explique. Ben oui, ça m’échappe. Quoi ? Vous pensez sérieusement qu’après avoir conduit votre mouflet à sa réunion baladin, fait une virée chez Brico pour trouver LA poignée de porte de cuisine idéale, repeint le meuble hérité de votre chineuse – et j’insiste sur la quatrième lettre – de belle-m’, attendu votre commande à la beenhouwerij, être passé au car wash, et avoir enfin récupéré votre Baden Powell en puissance - qui aura tôt fait de recrotter votre intérieur cuir une fois qu’il y aura déposé ses bottes Aigle et les mottes de boue qui y sont inévitablement accrochées en ce mois de novembre -, vous aurez la fraîcheur d’un gardon et serez prêt à vous ruer sans plus attendre chez Madame Moustache ou chez Mr Wong, pour une folle soirée bobo ? Oui, j’avoue, j’ai du mal à comprendre cette phobie du vendredi qui semble frapper le trentenaire, surtout lorsqu’il devient parent. La semaine passée encore, j’ai vécu un grand moment de solitude adulescente alors que je tentais de composer un petit groupe festif pour participer à la désormais culte God save the 90’s . Je pensais susciter enthousiasme et cris de joie chez les destinataires de mon mail à la réception de celui-ci, et qu’est-ce que je reçus à la place ? Oui, qu’est-ce que je reçus, Madame ? Des excuses. Par milliers. Un flot d’excuses. Une chiée d’arguments à faire tomber la toge du plus véreux des avocats. « Non Perrine, je ne peux pas, je suis en weekend en Alsace avec la famille d’Arnaud - « Tu l’as toujours pas largué ce plouc ? », « Non Perrine, je ne peux pas, ma babysit est en blocus. »  - « Et les grands-parents, c’est pour les chiens ? » , « Non Perrine, je peux pas rater 50 Degrés Nord, on y parle de la pièce de l’ex de la sœur de mon prof de tennis…. » - « Tu sais qu’aujourd’hui on peut encore enregistrer des émissions à la télé ? Tu peux même les voir sur internet. Et puis c’est pas comme si 50 Degrés Nord ça passait pas 23 fois par nuit » - « Non Perrine, tu comprends pas, enfin non, tu comprendrais pas. – « ? ? ». Mais les pires excuses sont encore celles qui sont sincères. Celles qui émanent de personnes courageuses qui ne se cachent pas lâchement derrière les membres de leur famille pour ne pas avoir à avouer leur absolu flantisme de trentenaire. Je reformulerais même : les pires refus sont encore ceux émis par ceux qui n’ont pas d’excuse, à part celle d’être mou du genou. Mais ça a le mérite d’être honnête, et assumé. « Ah non hein, moi, le vendredi, j’suis naze, un bain, une bouillotte et au lit. Mais on peut se faire une raclette samedi si tu veux. » – « Oh yeah, j’amène le Riesling et la tarte au flan. » Même Monsieur Hulot me laisse tomber : « Perrine, tu vis trop dans le passé, espèce d’enfulte malsaine. » Tant pis, j’irai à la soirée Nineties…. Avec la babysit. Et tant pis si elle était pas née à cette époque.

 

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