samedi 7 janvier 2012

Episode VI : Le panier bio


C’est Lou-Anne qui la première m’a parlé de ce concept désormais très bobo des abonnements aux paniers-bio, Lou-Anne dont l’acte le plus écologique qu’elle ait posé de mémoire est d’avoir offert La Terre vue du Ciel  à sa mère à la Noël 2004. « Ouais franchement c’est un truc à faire » me disait-elle il y a quelques semaines en imprimant recto-recto l’ensemble de ses extraits de compte de l’année 2011 sur du papier blanc 160 grammes. « Mais ce qui est encore mieux, c’est de rejoindre un GAS…. - regard de rollmops frit de ma part – mais ouais, un Groupe d’Achats Solidaires quoi, on se regroupe par consommateurs et on achète des légumes bios directement à l’agriculteur,  ce qui permet d’acheter moins cher et de rétablir une consommation plus humaine. » m’explique-t-elle avec autant de crédibilité qu’une Marine Le Pen qui tenterait de convertir à l’Islam un de ses militants. « Je te jure, Perrine, c’est super, tu vois, le goût de la tomate, tu le sens vraiment, rien à voir avec ces tomates insipides qu’on te sert dans ce genre de salades toutes faites. » sermonne-t-elle en désignant mon assiette de tomates-crevettes en provenance directe de la cantine. « En plus, tu sais que tes crevettes, elles sont peut-être pêchées à Ostende, mais après elles sont envoyées en Turquie pour épluchage et ramenées en Belgique pour la vente, tu te rends compte ? »  Ce qui me sidère, c’est davantage le fait que Lou-Anne détienne ce genre d’information et la propage sous forme de bonne parole, que l’affirmation en elle-même, dont tout téléspectateur qui se respecte et qui a suivi le dernier Questions à la Une est au courant. N’empêche, cela avait suffi à titiller ma conscience judéo-écolo (si elle le fait, je devrais le faire depuis longtemps, moi qui lui avais tout appris sur le tri des déchets, les ampoules écologiques et les bienfaits du compostage. Comment n'avais-pas pu encore adhérer aux paniers bio? Quelle inconscience!!), du moins jusqu’à ce que je franchisse la porte tambour de la rédaction et oublie instantanément cette conversation surréaliste.

Mais cet événement eut tôt fait de me revenir en mémoire la semaine passée, alors que je déposais ma jeune Padawan à l’école. Une affiche aux valves attira mon attention : «Jeune parent cherche amateurs de produits locaux et bios pour créer Groupe d’Achat Collectif à la Ferme de la Mulotte». Allez, je me lance, pensais-je en arrachant d’un geste franc le papier prédécoupé où figurait le numéro de téléphone de Michel, le prophète local de la consommation citoyenne, avec la fierté d’une résistante qui aurait chassé de Belgique le dernier soldat allemand. Lors de notre conversation téléphonique, Michel me remercie de rejoindre sa bande de joyeux mangeurs de légumes authentiques, et me dit que je recevrai le premier panier bio le lundi prochain. Hier matin, on sonne à ma porte dès-potron-minet. Ayant complètement oublié cette info, je me demande qui peut bien me déranger à  une heure si matinale. La tignasse emmitouflée dans un essuie de bain, j’ouvre la porte. Personne. Je baisse le regard et là, je découvre un panier. Prise soudainement d’angoisse en songeant que j’allais peut-être découvrir un bébé orphelin sous l’essuie de vaisselle protégeant le contenu, je me calme instantanément en apercevant des feuilles de carottes dépassant du contenant. De retour dans la cuisine, je découvre ce que recèle ce premier numéro, décrit sur le petit carton qui accompagne les produits. Première constatation : loin de mettre l'eau à la bouche, leurs noms font davantage penser à des maladies (persil tubéreux, Claytone de Cuba (c’est local ça ?), scarole, rutabaga). Me demandant comment j’allais cuisiner ça et surtout le présenter à la petite famille « Réjouissez-vous, je vous ai préparé une bonne purée de Claytones de Cuba » ou « Ce soir, c’est poulet rôti et persil tubéreux, Oh de la li !! » Je les imagine déjà en train de pleurer à chaudes larmes devant leur assiette avant  d’appeler l’ONE pour dénoncer cette maltraitance et se faire confier à une famille d’accueil. « Mais tu comprends rien, ce sont des légumes oubliés ! », m’expliquera plus tard dans la journée Lou-Anne. « Oui bon, mais si on les a oubliés, c’est peut-être pas pour rien.», lui rétorque-je. « Tu verras, bien assaisonnée, une salade de rutabaga, c’est super bon !! ». Le soir, je tentais l’expérience. Le nom a surtout fait rire ma fille de 4 ans (avant de me demander si ça s'accompagnait de bouillon gras), elle a même eu l’air de trouver ça comestible, et n’a pas réclamé pour aller vivre chez la voisine. Mais le plus dur reste maintenant à faire : ne pas laisser pourrir le reste du panier pendant des jours dans le fond du frigo, voire…. l’avoir consommé avant le prochain arrivage!!

1 commentaire:

  1. j'ai vécu la même expérience avec un panier bio... pendant des jours j'ai ouvert mon frigo, regardé le légume dit "oublié" en espérant qu'il se mette à parler et me dicter une recette délicieuse dont il serait le principal ingrédient... il a fini par nourrir le compost... :) J'ai bien ri ceci dit en lisant tes déboires à toi! Valchat!

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