vendredi 27 janvier 2012

Episode IX : La baby-sitter, part 3 (Suite et fin)


(….) Le deuxième candidat s’appelle Donyphan. Son annonce le vendait en ces termes : « Bonjour, je m’appelle Donyphan. Vous avez besoin d’une personne de confiance pour garder vos bambins ? Faites appel à moi : j’ai une grande expérience des plaines de vacance et je donne également des cours de chimie et de guitare à des enfants. Je suis idéaliste mais mature. » Génial !! pensais-je alors : un artiste doux, sensible, pédagogue et intelligent. Mais en débarquant sur son profil Facebook, je compris vite que le garçon maniait l’euphémisme avec grand art et que par ces mots, il fallait en fait comprendre : « Bonjour, je m’appelle Donyphan. Vous n’avez vraiment vraiment personne pour garder vos enfants ? Faites appel à moi : j’ai une grande expérience de la fumette et de la culture indoor de cannabis, je fabrique des bombes artisanales et je suis punk à chien. »

Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Benjamin, le troisième candidat, était de loin le plus folklorique. J’avais pourtant misé beaucoup sur ce garçon, car je l’avais déjà rencontré à plusieurs reprises et il m'avait toujours fait bonne impression. Véritable nerd, il se baladait souvent dans le quartier sur un vieux vélo de cross trois fois trop petit pour lui. Il allait chez les Pionniers et vendait du massepain à la sortie de la messe pour financer un projet au Togo. Aussi, quelle ne fût pas ma surprise lorsque son profil s’afficha devant mes yeux. J’eus d’abord du mal à déceler l’être humain sous la mèche, qui ne laissait entrapercevoir qu’une narine ornée d’un anneau et une demi bouche pincée badigeonnée d’un mignon petit noir à lèvres aux reflets vernis. Je ne pus m’empêcher de pouffer devant cette métamorphose complètement improbable : le gentil geek devenu un sombre émo, sorte de faux fils de Robert Smith qui se serait acheté du shampooing anti-frisottis, après avoir volé les kilts seventies de sa mère faute d’avoir les moyens de se taper Camden, pour ressembler vaguement, in fine, au leader prépubère de Tokio Hotel. Même si tout cela devait cacher un terrible malaise, je ne pouvais m’empêcher de me  bidonner en imaginant le choc des cultures qu’avait du déclencher Benji-au-Togo, et le spectacle délicieux qu'il avait du offrir à ses hôtes, en tentant de construire un dispensaire avec ses mitaines en cuir clouté. Mouaaahhhh. Bon.

La dernière candidate s’appelait Anne-Cécile. Elle aussi a vendu du massepain à la sortie de la messe, car elle aussi a été chez les Pionniers. Elle a également fait les baladins, les lutins, les guides, est ensuite devenue chef guide, puis chef d’unité et enfin chef de région. Bref, elle est super vieille et complètement malsaine. Non mais est-ce qu’on fait encore du baby-sitting à 25 ans ? En même temps, ça a un côté rassurant, me direz-vous. AAhh ça, c’est vrai que les nœuds de foulard, les brelages et les azimuts, ça la connaît. La loi guide, elle sait te la réciter sans reprendre sa respiration, et pour peu qu’elle se dévergonde un peu, elle pourrait te la déclamer en rotant. Sûr aussi que si elle tombe en rade d’électricité pendant la soirée, elle te fabriquera des bougies avec des bandes de cire dépilatoire et des élastiques à cheveu, et qu’elle les allumera en frottant des silex (car elle a toujours des silex sur elle, évidemment). Mais ce n’était pas vraiment le fait qu’elle ait du vendre des tonnes de massepain au cours de sa vie, qu’elle ait une addiction au scoutisme ou encore qu’elle joue de l’orgue à la messe le dimanche qui me chipotait. Non, ce que je trouvais étrange, c’est qu’elle n’avait pas…. de compte Facebook. Et ça, c'était quand même vachement chelou.   

Jeudi 19h, on sonne à la porte. DING DONG (ou plutôt dang dong ding dooonngg, dong ding dang dong, pour être exacte). Je me précipite hors de mon fauteuil pour aller accueillir l’élu, celui qui avait remporté tous les suffrages, et qui avait donc été élu unanimement baby-sitter officiel de la soirée. J’ouvre……. Je lui colle un enfant dans les bras et un bisou sur le front : « Merci amour, je rentrerai pas tard », lui lance-je, avant de m’engouffrer dans la voiture de Madeleine de Proust et de disparaître sur les chemins de la débauche.....

FIN

3 commentaires:

  1. ahah, rien de tel que le papa! Cependant, j'aurais choisi le punk, il me fait penser à un sketch de Florence Foresti ;o)

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  2. Et j'ai tout de même été vérifier, ma baby sit n'a pas de profil facebook. C'est grave, à votre avis? :-$

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